Le Divan de Staline

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Staline vient se reposer trois jours dans un château au milieu de la forêt. Il est accompagné de sa maîtresse de longue date, Lidia. Dans le bureau où il dort, il y a un divan qui ressemble à celui de Freud à Londres. Il propose à Lidia de jouer au jeu de la psychanalyse, la nuit. Durant le jour, un jeune peintre, Danilov attend d’être reçu par Staline pour lui présenter le monument d’éternité qu’il a conçu à sa gloire. Un rapport trouble, dangereux et pervers se lie entre les trois. L’enjeu est de survivre à la peur et à la trahison.

Vos commentaires et critiques :

Perversion narcissique

Soit un énorme palais décadent orné d'inquiétantes gargouilles, perdu au fond de bois profonds en Géorgie, le genre d'antre fait sur mesure pour un ogre solitaire et pas gentil du tout comme on en croise dans les contes qui font peur aux enfants et frissonner même ceux qui les racontent. Staline s'est isolé pour quelques jours avec son étrange et belle maîtresse Lidia Semionova. Elle lui lit Pouchkine, il écoute la Callas chantant l'aria de Lady Macbeth qui « convoque les pouvoirs du mal pour l'ambition de son mari : Callas a dans sa voix la folie des rêves et la terreur des visions »… 
Il fume la pipe dans son fauteuil, il a l'air cruel d'un gros matou perfide qui semble s'amuser de la crainte qu'il inspire. Ses généraux n'en mènent pas large, mais Lidia lui tient tête. Dans le bureau où il dort trône un divan en tout point identique à celui du bureau de Freud à Londres. Alors germe dans son esprit tordu l'idée d'un jeu, Staline installe sa maîtresse en retrait: 
- « Toi sur le fauteuil et moi sur le divan. Moi je me souviens de mes rêves et toi tu fais le charlatan. »
- Pourquoi tu veux jouer à ça ?
- Ça te fait peur d'entendre mes rêves ?… »
Dans le château de Barbe Bleue se joue alors une curieuse et fascinante relation où on mesure les effets du pouvoir absolu sur celui qui l'exerce comme sur ceux qui le subissent ou sur celle qui l'affronte… Staline raconte ses rêves, ses obsessions tandis que Lidia réplique. Un jeune peintre, Danilov, invité par Lidia, attend d'être reçu par Staline pour lui présenter son projet d'un monument qu'il a conçu à sa gloire. Les généraux de Staline l'interrogent, eux-mêmes imprégnés d'un sentiment de peur qui redescend jusqu'au plus petit serviteur en cascade. Il y a quelque chose de terrifiant dans cette relation à trois dont on ne sait jamais vraiment comment elle va évoluer et Depardieu est formidable, tantôt le regard froid, intense et cynique, tantôt touchant et humain, un bourreau dans l'âme capable de s'émouvoir à la vue d'une fleur… sorte de monstre grandiose à qui Emmanuelle Seigner donne une troublante réplique.
Dans le roman, l'histoire se passe trois ans avant la mort de Staline dans un palais du grand duc Mikhaïlovitch. Fanny Ardant n'a pas voulu dater son film pas plus qu'elle n'a cherché à se rapprocher du personnage réel de Staline… et le château est au Portugal ! Il s'agissait plutôt de faire une forme de fable : vous ne trouverez pas ici le Staline des livres d'histoire et des documentaires et, comme dans un conte, les grilles du château s'ouvrent symboliquement au début et se ferment à la fin. La musique de Chostakovitch ajoute aux crépusculaires images un mystère, une ampleur qui fait de ce film audacieux un objet hors du temps, hors des modes, mais fichtrement attachant.