Clara Sola

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Dans un village reculé du Costa Rica, Clara, une femme de 40 ans renfermée sur elle-même, entreprend de se libérer des conventions religieuses et sociales répressives qui ont dominé sa vie, la menant à un éveil sexuel et spirituel.

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Quinzaine des réalisateurs 2021

Réalisme magique

“C’est un drame avec un soupçon de réalisme magique, qui se déroule au Costa Rica. Nous suivons le voyage d’une femme cherchant à se libérer de l’oppression sociale et religieuse, ce qui la conduit à un éveil sexuel et mystique très lié à la nature”, résume Nathalie Álvarez Mesén. Après des courts en Suède et aux États-Unis, la cinéaste est repartie tourner son long métrage en espagnol au Costa Rica de son enfance. “Je me suis intéressée au rôle que les femmes doivent jouer dans la société et à ce qui se passe lorsque la nécessité de jouer un rôle est supprimée – comme lorsque nous sommes seuls en pleine nature. C’est de là qu’est née Clara, un personnage sans véritable filtre, qui se voit comme faisant partie de la nature et non comme en étant séparée.” Pour incarner son personnage principal, la jeune réalisatrice a choisi une danseuse. “Dès le départ, je voulais une danseuse pour jouer Clara. Même si le personnage est plutôt immobile, il y a une vie énorme en elle. Quelqu’un possédant une véritable conscience corporelle était indispensable. J’ai assisté à de nombreux spectacles de danse pendant le casting et en voyant Wendy Chinchilla Araya, j’ai été subjuguée. Elle avait dix ans de plus que Clara, mais la façon dont elle incarnait le personnage était inoubliable, ce qui nous a amenés à réécrire le scénario pour elle.” Le tournage a eu lieu à Vara Blanca au Costa Rica, et s’est achevé alors que la pandémie de Covid-19 atteignait le pays. “Nous étions suffisamment isolés et avons pu terminer en prenant des précautions. Mais nous sommes sortis du tournage pour arriver dans un monde différent, qui était déjà en quarantaine.”

 

 

Le cœur est parfois sauvage. Celui de la forêt qui grouille, magique. Celui de Clara, alanguie, mue par de secrètes pulsions animales qui se font et se défont au gré des ruissellements de la nature, du bruissement des ailes de coléoptères, des infimes piétinements des insectes ou du grondement sourd qui monte de la terre. Ce qui impressionne d’entrée, c’est la singularité mystérieuse de l’univers banal de notre héroïne, tellement charnel et organique, chargé de choses invisibles au commun des mortels, à elle seule accessibles. Entre Clara et nous, entre Clara et le reste de l’humanité, existe un plafond de verre imperceptible, dont on ne sait lesquels sont les plus prisonniers. Bien sûr, le microcosme de notre quarantenaire semble enserré derrière des barrières symboliques infranchissables, curieusement matérialisées par de vulgaires chiffons mauves. Mais qui pourrait pénétrer dans cette conscience secrète et enchanteresse dont elle seule possède la clef ? Qui pourrait s’immiscer dans l’étrange dialogue souvent silencieux qui la relie au vivant ? Dans cette complicité d’âmes sœurs qui la relie à Luka, la jument de la famille d’un blanc immaculé, ou au petit scarabée qui se plie à ses moindres désirs, même à celui de ressusciter ?
Il y a là une matrice profonde et primitive, une force féminine indomptable venue du fond des âges, que ne cesse de vouloir asservir, réduire et exploiter une mère autoritaire au port sans âge, qui protège jalousement Clara sous son toit, à l’instar de son autre petite fille orpheline dont le corps adolescent ne demande qu’à exulter. C’est un presque huis-clos de femmes, et pourtant celles-ci ne semblent pas avoir leur mot à dire, corsetées par le poids des traditions, des croyances aux relents de vieux préceptes patriarcaux et de puritanisme castrateur. Sempiternellement l’aïeule ferme la porte à toute pensée d’émancipation, quand bien même la santé de la maisonnée serait en jeu. Peut-être suffirait-il d’un presque rien pour que se redresse le dos de Clara, déformé par une affreuse scoliose… Car si l’action se déroule au fin fond du Costa Rica, en bordure d’un minuscule village appauvri, la médecine moderne n’est pas loin qui pourrait délivrer les corps de quelques souffrances. Mais si telle a été la volonté du Seigneur…
Et si c’était le passage obligé pour que des miracles s’accomplissent, ceux que tous attribuent à Clara, laquelle incarne une sorte de Bernadette Soubirous locale, condamnée irrémédiablement à ne pas décevoir ses adorateurs ? À la fois vénérée et prisonnière d’une pureté auxquels tous semblent vouloir la réduire, elle se plie aux rituels imposés, aux séances de prières, infantilisée dans son corps de femme investi par des pulsions sensuelles toujours plus irrépressibles. Transparaît alors une sensualité torride, éveillée par les telenovelas attisée par l’arrivée d’un bel hidalgo bienveillant. Attirance / répulsion mues par le charisme magnétique de celle qui est traitée comme une éternelle innocente.
Mais l’est-elle tant que ça ? Quand elle déclare : « C’est la Vierge Marie qui m’a dit de faire ça. », est-ce réalité ou affabulation ? À moins que ce ne soit un fin stratagème pour reprendre un peu de contrôle, jusqu’à une forme de libération purificatrice finale ?
C’est un premier film étonnant, empreint d’un réalisme magique dont les envoûtements perdureront durablement, laissant notre curiosité délicieusement inassouvie, nos sens troublés.