El buen patrón

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Un ex-employé viré qui proteste bruyamment et campe devant l’usine… Un contremaître qui met en danger la production parce que sa femme le trompe… Une stagiaire irrésistible… A la veille de recevoir un prix censé honorer son entreprise, Juan Blanco, héritier de l’ancestrale fabrique familiale de balances, doit d’urgence sauver la boîte. Il s’y attelle, à sa manière, paternaliste et autoritaire : en bon patron ?

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Voilà le film qui, en février dernier, a raflé 6 prix majeurs lors de la cérémonie des Goya 2022 (l’équivalent espagnol de nos César), et à juste titre : Meilleur film, Meilleure réalisation, Meilleur scénario original, Meilleur montage, Meilleure musique originale et Meilleur acteur ! Il faut dire que le comédien ici récompensé n’est autre que l’inénarrable, l’émoustillant, le sublime Javier Bardem, dont le charisme donne régulièrement envie de tomber à ses genoux. C’est d’ailleurs ce que semblent vouloir faire ses employées et employés de tous genres lors de la petite sauterie qu’il organise pour galvaniser ses troupes, mettant en avant que, pour lui, dans la conduite de sa modeste entreprise, c’est l’humain avant tout ! Eh oui, après avoir joué les amoureux transis, les tueurs implacables, un tétraplégique (dans Mar adentro) voilà l’acteur le plus primé d’Espagne dans la peau de Blanco, petit patron paternaliste, fils à papa héritier d’une ancestrale fabrique de balances pour tous les usages et tous les budgets : « Ma femme et moi n’avons pas d’enfants. On s’en passe. C’est vous nos enfants… » Et bien sûr, comme ses salarié·e·s, on ne résiste pas à son charme, on y croit tellement qu’on rêverait d’avoir des milliers de Javier Bardem dans les rangs du Medef auquel on adhérerait alors les yeux fermés. Et de continuer : « Pour le bien de la famille on doit parfois prendre des décisions difficiles… Mon père était juste : c’est pour cela qu’il fabriquait des balances… » Nous voilà comme les petites mains de l’usine prêts à fondre littéralement de tendresse et de rire face aux tirades (punchlines pour les franco-anglicistes) d’un discours drôle en diable. Et c’est l’une des réussites de ce scénario : des dialogues excellentissimes, extrêmement bien ciselés, percutants et hilarants, un rythme soutenu qui jamais ne faiblit, une écriture tendue qui ne laisse rien au hasard.
Bien évidemment des événements toujours plus embarrassants vont petit à petit déconstruire les images d’Épinal lénifiantes construites durant plusieurs générations et la face sombre de Blanco, qui est loin d’être blanc comme neige, va progressivement transparaitre. Alors qu’il touche au but suprême, alors qu’il est sur le point de décrocher le dernier trophée d’excellence manquant à son palmarès d’entrepreneur hors normes, le sort va s’acharner.
C'est d’abord cet ex-comptable, flanqué de sa progéniture, qui vient lui casser les oreilles à l’aide d’un porte-voix pour protester contre son licenciement, plantant sa tente à la porte de l’usine et déployant des banderoles assassines. Ensuite son principal contremaître qui lui casse les pieds avec ses histoires de bonne femme et qui cumule les gaffes. Sans compter cette fichue commission prête à lui rompre le coup aussi sûrement que l’épée de Damoclès si tout ne rentre pas dans l’ordre… Qui viendra à sa rescousse ? Ni le vigile attendri et trop mou incapable de veiller au grain, mis à part celui des petits oiseaux du ciel, ni sa pourtant délicieuse épouse à laquelle il ne sait rien confier. Oh oui ! Blanco aurait bien besoin d’évasion, qu’il va croire pouvoir trouver dans les bras d’une stagiaire aux airs coquins (Almudena Amor, véritable révélation) avant de réaliser qu’il y a, là aussi, anguille sous roche… Bref, la semaine trépidante qui l’attend nous emportera avec lui dans les rebondissements d’une mécanique bien huilée, oscillant perpétuellement entre hilarité et déconfiture. Tout bien pesé, c’est tout un système, digne des temps modernes à la Chaplin, qui se détricote avec finesse et nous laissera bouche bée.