No Home Movie

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Parce que ce film est avant tout un film sur ma mère, ma mère qui n'est plus.
Sur cette femme arrivée en Belgique en 1938 fuyant la Pologne, les pogroms et les exactions. Cette femme qu'on ne voit que dans son appartement. Un appartement à Bruxelles.
Un film sur le monde qui bouge et que ma mère ne voit pas.

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Filmer l'indicible

Le documentaire de Chantal Akerman, qui a fait son avant-première mondiale dans la cadre de la compétition de Locarno, dilate le temps des souvenirs et touche au sublime. “Ce film est avant tout un film sur ma mère, ma mère qui n'est plus" : c'est ainsi que l'excellente réalisatrice belge Chantal Akerman décrit son nouveau film. En vérité, derrière ce résumé simple de No Home Movie se cachent beaucoup plus de choses. De ce documentaire jaillit une marée de vérités jalousement gardées qu'on retrouve dans tous les films qu'a jamais faits Akerman, mais sont révélées ici dans toute leur splendeur. Comme le dit la réalisatrice elle-même, sa mère a toujours été une figure clef dans la plupart de ses films. L'emprisonnement qui l'a marquée à vie, puisqu'elle a connu Auschwitz quand elle était enfant, hante toute la filmographie de Chantal Akerman comme une hérédité inconfortable. Ce sentiment sombre, passé de la mère à la fille qui l'a intégré, Akerman l'a exorcisé à travers les images. No Home Movie ne se présente pas comme un tableau intime de leur relation ("Je n'aurais pas osé", explique Akerman), mais plutôt comme une chronique détaillée, presque maniaque, du quotidien, d'un quotidien où la présence comme l'absence de sa mère est palpable et détermine tout. “Cela fait de nombreuses années que je filme tout", dit Akerman. Le quantité de matériel recueilli, soit plus de quarante heures, a d'abord donné lieu à une installation au titre évocateur de Maniac Shadows. Dans le plus contemplatif No Home Movie, comme c'est souvent le cas dans l'œuvre de la réalisatrice belge, c'est au montage que la magie opère, que le regard cisèle le matériel filmique en lui donnant une profondeur unique, presque magique. "Le film recèle quelque chose qui n'a pas été voulu consciemment mais qui est là malgré tout. C'est ce qui fait sa force". Comme l'explique Akerman, au montage, tout ce qui était superflu a disparu pour laisser la place aux choses essentielles : sa relation avec sa mère, le témoignage de cette dernière à travers la bouche de sa fille (une fille souvent absente qui lui rend hommage de la manière la plus sincère qu'elle connaisse : à travers les images. Les longs plans contemplatifs qui se succèdent, entre le confort de l'appartement de famille, à Bruxelles, et un ailleurs (fait d'immenses champs balayés par le vent) que seule Chantal connaît semblent scander le rythme de la vieillesse, moment suspendu où la vérité se manifeste dans toute sa splendeur avant que le souvenir ne disparaisse. À travers No Home Move, Akerman semble vouloir fixer et donner une concrétude à un amour immense, jusqu'alors assoupi sous une douloureuse inconscience. Le rythme presque méditatif auquel se déroule le film reflète l'affection et la tendresse de la relation de la réalisatrice avec sa maman, désormais bien vieille. Akerman prend tout le temps dont elle a besoin pour lui dire au revoir, et elle s'offre même le luxe de la contemplation, au-delà de toute contrainte filmique – un luxe bien mérité. No Home Movie est un film sublime che parle de relations non seulement entre nous et ceux qui nous sont chers, mais aussi entre nous et les images qui nous entourent comme des instantanés qui cristallisent un présent dont on est déjà nostalgique.