The Other Side

Vous aimez ce film, notez le !
La note moyenne actuelle est de 12,00 pour 1 vote(s)
Dans un territoire invisible, aux marges de la société, à la limite entre l'illégalité et l'anarchie, vit une communauté endolorie qui fait face à une menace : celle de tomber dans l'oubli. Des vétérans désarmés, des adolescents taciturnes, des drogués qui cherchent dans l'amour une issue à leur dépendance, des anciens combattants des forces spéciales toujours en guerre avec le monde, des jeunes femmes et futures mères à la dérive, des vieux qui n'ont pas perdus leur désir de vivre. Dans cette humanité cachée, s'ouvrent les abysses de l'Amérique d'aujourd'hui.

Vos commentaires et critiques :

Waouh ! Les documentaires dépassent parfois la fiction ! En voyant The Other side, film résolument hors-normes, plongée intimiste et sépulcrale dans l'Amérique des laissés pour compte, on a l'impression de feuilleter les pages d'un Faulkner qui vivrait dans l'Amérique d'Obama, ou d'admirer les photos d'une Nan Goldin ou d'un Larry Clark. Ce film est le troisième volet d'une trilogie sur le Texas et les franges méridionales et très rednecks des USA. Dans le précédent opus, Le Cœur battant, Minervini nous immergeait dans une communauté chrétienne rongée par la religiosité morbide et aveugle. Ici point de religion, seulement la misère économique, la drogue qui dévore les esprits et flingue les vies, et le sentiment d'être les oubliés du rêve américain, y compris dans sa version un peu plus sociale avec Obama… Minervini fait une incursion dans un État voisin du Texas, la Louisiane, mais bien loin des clichés de la Nouvelle Orléans, ses maisons coloniales et ses balades bucoliques dans le bayou. On est à West Monrœ, dans la Louisiane du Nord, à des années-lumière des circuits touristiques. Ici on vit souvent dans des mobile homes défoncés, les jardins ressemblent à des déchetteries improvisées, la seule concession au cliché de la Lousiane où il fait bon vivre est peut-être le rocking-chair… sur lequel s'effondrent les gars du coin une fois qu'ils sont bien imbibés ou défoncés à la méthamphétamine, cette drogue peu chère qui finit de précariser et d'éteindre tout esprit de contestation chez les classes les plus pauvres, à croire que ça arrange les gouvernants qui seraient bien en mal de gérer les problèmes sociaux.

La force du travail de Minervini, c'est de fuir toute observation sociologisante ou globalisante pour s'attacher à l'intimité de ses personnages, sans les juger, voire en les regardant avec tendresse et respect malgré leurs travers. Ainsi le couple détonant de Mark et Lisa : elle a visiblement une bonne petite quarantaine, lui en a dix de moins, et ils partagent le même destin de toxicomanes avérés avec passages réguliers par la case prison. Elle est en partie édentée, son corps à lui, très maigre, montre les ravages prématurés de l'addiction, mais, peu à peu, ce n'est plus ça que l'on voit mais leur amour profond envers et contre tout, jusqu'au mariage…

Minervini fait du cinéma vérité absolu, sans répétition, sans mise en scène, contrairement à l'école documentaire autrichienne. Minervini se fond dans le couple jusqu'au malaise, sa caméra est là quand ils font l'amour, quand ils se disputent violemment, montrant l'infinie confiance qu'il a su créer avec eux. La caméra est là également (scène terrible il faut bien le dire) quand Mark se shoote avec une strip-teaseuse enceinte…

Et puis, pour une raison que l'on ne vous dévoilera pas, le film va quitter Mark et Lisa et retrouver dans l'État voisin des groupes de vétérans défenseurs des libertés constitutionnelles américaines, en tout premier lieu le port des armes. Des gars de toutes origines qui s'éclatent au fusil d'assaut dans des clairières abandonnées, jouent à la guéguerre et organisent ensuite des bacchanales dans des étangs boueux, avec des filles aux seins lourds et aux tee-shirts trop courts (scène anthologique qui pourrait sortir d'un Coppola). Ils maudissent le système social d'Obama, qui favorise selon eux l'assistanat, sont contre tout ce qui pourrait réduire leurs libertés individuelles. Des vrais libertariens qui, étonnamment, sont aussi contre la guerre au Moyen-Orient, selon le principe que chaque peuple doit décider de son propre sort…

Encore une fois Minervini explose les clichés et nous donne à penser différemment cette Amérique qui n'en finit pas de nous effrayer mais aussi de nous étonner.