Buladó

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Kenza, 11 ans, vit sur l’île de Curaçao avec son père et son grand-père, deux hommes que tout oppose. Entre modernité et respect des traditions spirituelles ancestrales, la jeune fille tente de faire le deuil de sa mère qu’elle n’a jamais connue et de trouver son propre chemin.

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Le réalisme magique qu’on a tellement connu, apprécié et surtout savouré dans le boom de la littérature sud américaine est rare au cinéma. Buladó nous offre une occasion unique d’y accéder par sa beauté et sa sonorité (la musique fait partie intégrante du scénario) et va défier nos émotions vers des terrains vagues, peu communs, ou le défi d’une découverte spirituelle se rend philosophique. Le vent, lui, est le grand conducteur de ce récit dès son ouverture poétique et envoûtante, et comme le dit Kenza « il est partout et rend tangible ce que je ne peux pas comprendre ».
Kenza, l’héroïne du film, du haut de ses 11 ans est d’un tempérament de guerrière à braver les orages, courageuse et déterminée. Trois générations, trois personnes partagent le même toit, le père policier, agnostique qui fait ce qu’il peut dans un milieu hostile de bidonville et qui représente le quotidien raisonnable et matériel. Le grand-père, toujours une bouteille à la main et qui parle avec les esprits, dans une tradition orale de récits qui captivent notre attention et qui regorge de belles histoires sur leurs ancêtres et leurs fantômes. Et Kenza, captivée par ce grand-père et dont l’absence de la mère qu’elle n’a pas connue se fait pesante au moment de sa puberté. Tous les trois vivent sur l’île de Curaçao, île antillaise à l’histoire lourde du poids de l’esclavage… Le réalisateur va mêler la tradition mythologique afro-caribéenne, dans lequel résonne cet histoire pour faire sortir une quête personnelle de liberté.
L’idée de ce long métrage lui est venue en découvrant une histoire écrite par son oncle, Orlando qui lui a également inspiré le personnage du grand-père, Weljo. L’histoire est adaptée d’une légende relatant les tentatives d’évasion désespérées d’esclaves locaux qui cherchaient à se libérer des mines de sel. Dans la légende, les esclaves en fuite pouvaient se rendre sur une montagne voisine d’où ils sauteraient. Des ailes leur pousseraient alors et les ramèneraient en Afrique, vers leur liberté. Cette histoire est transmise oralement de génération en génération. Chacune y ajoute sa propre interprétation, mais l’essence reste : la quête de liberté.
Le film témoigne de la valeur inestimable des récits oraux, qui font partie intégrante de la culture afro--caribéenne. Le titre Buladó vient du papiamento, langue créole des Antilles néerlandaises qui trouve ses racines dans un grand nombre de langues, témoignant de l’héritage culturel de l’île. Il serait notamment un mélange de portugais, d’espagnol, de néerlandais, de français, d’anglais, de langues africaines et de la langue originelle des Arawaks (les Arawaks Caquetios étaient les habitants des îles à l’arrivée des Européens), parlée dans le film. Buladó signifie décoller, ou tout ce qui décolle. C’est l’expression du mouvement de la vie : une danse indicible entre liberté et mort où l’esprit finit par s’élève, racontent les auteurs.