Ils sont vivants

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Veuve depuis peu, Béatrice vit avec son fils et sa mère. Sa rencontre avec Mokhtar, enseignant iranien arrivé clandestinement en Europe, va bouleverser son quotidien et ses convictions. Par amour pour lui, elle va devoir défier les préjugés de son entourage et les lois de son pays.

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Ne vous fiez pas à son apparence svelte et rangée. C’est une bombe ! Ou plutôt un bulldozer… Oui vraiment, Béatrice (Marina Foïs, magnétique) est un bulldozer, comme toutes ces femmes qui se sont forgé une carapace face à l’adversité du quotidien, vivant à cent à l’heure pour raccourcir d’un coup de bagnole nerveuse les distances entre leur boulot et leur foyer.
Son boulot ? Elle fait partie de celles qu’on appelle les invisibles, qui ne le sont pourtant jamais pour ceux qu’elles épaulent. Aide soignante, elle porte, lave, écoute, rapide, professionnelle. Dans l’univers frénétique, de plus en plus pressuré, du monde médical, nul(le) n’a le temps de s’appesantir. Quand on essaie de refourguer dans son service un patient étranger, la réaction de Béatrice claque, sèche et décomplexée : priorité aux Français qui ont cotisé ! Ces migrants qui arpentent les rues, qui viennent souiller nos plages, nos campagnes, elle ne veut pas avoir à s’en soucier !
L’action, vous l’aurez compris, se passe à Calais, haut lieu de transition qui accueille toutes les misères du monde. Et de cette engeance-là, chez beaucoup de gens, on n’en veut pas. Béatrice baigne dans un entourage où tous préfèrent ignorer que sous les tentes, sous la crasse désignée, se cache une humanité vraie, et qu’elle est aussi la leur.
Son foyer ? Béatrice réside dans un petit pavillon impersonnel, une existence en train de se vider de son encombrant mari (à en juger par la taille du cercueil) qui quitte le bercail les pieds devant. Tous ses collègues flics et leurs épouses proprettes assistent à la cérémonie, qui semble procurer à Béatrice plus d’agacement que de tristesse. Peut-être une façon de ne pas dévoiler ses sentiments ou autre chose de plus diffus. Cela sonne-t-il la rupture avec un passé qui l’engluait et dans lequel celui qu’on enterre n’était pas l’ange décrit par les éloges funèbres standardisés qui ont un affreux goût de réchauffé ? Quelques miettes de repas funéraire plus tard, malgré la présence de son fils adolescent, de sa mère qui l’épaule, c’est un quotidien d’amertume qui reprend, sans passion, une vie qui manque de sens, dans un milieu où toutes les pensées s’articulent autour de la xénophobie, du racisme. Est-ce ce drôle de deuil, la chape d’une domination masculine soudain levée qui vont faire vaciller les convictions immuables de Béatrice ? C’est tout d’abord presque par hasard qu’elle va franchir la ligne de démarcation invisible entre son microcosme bien rangé et la jungle, la terrible jungle peuplée de sauvages migrants. Tout dès lors bascule et Béatrice va chavirer dans le regard d’un autre… Une attirance charnelle, sexuelle, puissante que ni la bienséance, ni les vieilles convictions ne pourront entraver.
Pas angélique, ni manichéenne, c’est une belle histoire d’amour qui fait du bien à nos neurones. Un Roméo et Juliette des temps modernes, où ce ne sont plus les familles qui se dressent entre les amants, mais des États entiers, des frontières idiotes.
Il aura fallu la détermination de Marina Foïs – décidément avisée et audacieuse dans le choix de ses rôles – pour convaincre l’acteur Jérémie Elkaïm (rencontré lors du tournage de Polisse…) de se lancer dans la réalisation avec ce premier film efficace et touchant dont elle est l’héroïne. Un pari plus que réussi. On ne parle pas ici de Seear Kohi qui interprète le rôle central de Mokhtar, pour vous laisser le découvrir, car lui aussi transperce l’écran.