Entre les vagues

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Rêver, foncer, tomber, repartir, rêver encore, et recommencer. Elles ont l’énergie de leur jeunesse, sa joie, son audace, son insouciance. Deux meilleures amies, l'envie de découvrir le monde. Margot et Alma sont inarrêtables, inséparables.

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Quinzaine des Réalisateurs 2021

Hommage à la fiction

“Le point de départ d’Entre les vagues est très sensoriel. Le film est né d’un besoin de retranscrire une énergie plutôt qu’un événement . J’ai eu envie de rendre hommage à ces émotions vives que j’ai pu ressentir entre mes 17 ans (mon arrivée à Paris) et mes 27 ans, au travers des héroïnes de ce qu’elles seront amenées à vivre tout le long du récit. C’est une envie de raconter ce virage dans lequel on se sent parfois à 27 ans: lorsqu’on se retrouve dans la fin de la vingtaine avec une fougue impatiente que la vie décolle enfin, avec la crainte que nos rêves soient finalement plus grands que nous, inaccessibles.” Alors que ses précédents travaux étaient autoproduits, Anaïs Volpé a été cette fois produite par Caroline Nataf pour Unité, et “très accompagnée par la production, par une vraie équipe de tournage, avec d’autres moyens. Ma productrice a toujours eu un regard très intéressant et des retours qui m’ont beaucoup aidée à avancer. J’ai l’impression que nous avons toujours vu le même film, dès l’étape du scénario, et je me suis toujours sentie soutenue, même dans les moments de doute, ce qui qui est essentiel.” Les deux personnages principaux sont interprétés par  Souheila Yacoub et Déborah Lukumuena. “J’ai vu environ 120 comédiennes. Individuellement d’abord, puis en duo, lorsque je voulais tester deux actrices ensemble. Former un couple d’amies demande une alchimie absolue au jeu, donc il faut tester plusieurs possibilités et voir où la magie opère. Ce qui est assez marrant, c’est que Déborah et Souheila ne s’étaient jamais rencontrées avant leur casting en duo, et lorsqu’elles ont joué ensemble, les planètes se sont alignées, elles m’ont embarquée immédiatement : rires et larmes. J’avais devant moi les héroïnes du film.”

 

 

Elles ont le regard aussi brillant que leurs espérances, ces deux âmes sœurs inséparables : Alma (formidable Déborah Lukumuena, découverte dans Divines et Les Invisibles) et Margot (lumineuse Souheila Yacoub, qu’on va voir aussi dans le très beau En corps de Cedric Klapisch) sont dans l’urgence de croquer la vie à pleines dents, de se la faire belle comme dans leurs rêves. Sous leurs attitudes d’adolescentes qui n’en finissent pas de ne pas vouloir grandir, arborant une insouciante légèreté en bandoulière, voilà des années qu’elles s’emploient à devenir comédiennes ! Pourtant, comédiennes, elles le sont dans l’âme, et à tout instant ! Il n’y a qu’à les voir, ces diablesses déchaînées, s’acharner sur un gâte-sauce pour le persuader de leur donner les vestiges d’un repas de mariage, histoire de combler le petit creux laissé au bout de la nuit par une soirée plus arrosée que nutritive – le pauvre bougre essayant de résister, oscillant entre son élan du cœur et la peur de perdre sa place. Comédiennes, elles le sont même dans les petits jobs d’appoint qu’elles acceptent pour faire bouillir leurs marmites respectives. Après tout, un tablier de serveuse, une blouse d’esthéticienne, ce sont déjà des costumes ! L’occasion de jouer à être et à ne pas être. Mais vrai : leur seul désir, c’est de monter sur scène, de se gaver de beaux mots, les vivre et les déclamer.
Devenir actrice, coûte que coûte, en faire un métier ? Rien n’est plus aisé que le mot, rien n’est plus difficile que sa concrétisation… Surtout quand on essaie de rentrer par la petite porte, sans appuis dans la profession. Éternelle histoire que l’on connaît par cœur. Entre deux services, nos débrouillardes courent donc les castings, espérant qu’un jour le vent tournera. Et un jour, on dirait bien qu’il tourne ! Il faut dire que, pour forcer le sort, attirer l’attention, elles ont l’idée d’un déconcertant stratagème, qui va fonctionner. Voilà la metteuse en scène complètement séduite : Alma décroche le premier rôle, elle sera cette jeune femme enceinte partant sur les traces de sa grand-mère italienne immigrée à New-York. Clin d’œil aux déracinés, voyage dans le temps, voyage dans l’espace… le temps d’une pièce. Et Margot (ne) sera (que) sa doublure. On anticipe à tort la rivalité – le cinéma nous l’a tellement montrée – qui pourrait naître entre les filles… Bien au contraire il n’y a de place entre elles que pour la solidarité, à la hauteur de leur amitié indéfectible. Et il n’y aurait rien d’autre que cela sans les imprévisibles tempêtes de la vie, qui parfois nous entraînent par le fond et ne nous laissent d’autre choix pour survivre que de se laisser ballotter par les flots, suivre le perpétuel mouvement des marées…
De la chronique juvénile joyeusement débridée au mélodrame déchirant, le film nous raconte que, nécessairement, le jeu, la fiction, nous sauvent. Qu’on soit créateurs ou simples spectateurs. Le premier film d’Anaïs Volpe, Heis (chroniques), nous laissait présager la naissance d’une cinéaste libre, vive, hors du commun. Impression confirmée, haut la main, par Entre les vagues. Elle filme Paris, ses quartiers cosmopolites pleins de vie, ses ambiances sonores, à l’image de ses magnifiques comédiennes. Dont l’énergie furieuse, communicative, emporte tout sur son passage, tel un irrépressible tsunami d’humanité.