Mon Légionnaire

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Ils viennent de partout, ils ont désormais une chose en commun, ils appartiennent à l’élite de l’armée française : la Légion Étrangère, leur nouvelle famille. Mon légionnaire raconte leurs histoires : celle de ces couples qui se construisent en territoire hostile, celle de ces hommes qui se battent pour la France, celle de ces femmes qui luttent pour garder leur amour bien vivant.

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Quinzaine des réalisateurs 2021

Il sentait bon le sable chaud

 "Ce projet est né d’un double statut social intime. J’ai été soldat, je suis une femme, et je suis aujourd’hui officier de réserve de l’armée de terre. Une des choses qui m’a le plus marquée à l’armée en tant que soldat, c’est la capacité de cette institution à transformer des individus en corps dociles, et l’esprit de cohésion qui résulte de cette transformation collective. Des personnes qui ne se seraient jamais adressé la parole dans la vie civile, deviennent frères", résume Rachel Lang. Pourquoi ce choix de la Légion étrangère ? "C’est un cadre dans lequel le couple est mis à rude épreuve et c’est pour cela que j’ai choisi cette arène. La Légion ce n’est pas l’armée, c’est l’élite de l’armée. La Légion prend 10% des postulants, elle a le choix. Ce corps d’élite a la réputation d’être une véritable ‘famille’. Elle s’accapare totalement ses hommes. " Mais le fait que Mon légionnaire donne la paroles aux femmes, mette en lumière la dureté de leur condition et la pression qui s’exerce sur elles, a déplu aux chefs de la Légion qui n’ont pas voulu que le film existe. Face à l’impossibilité de faire des images sur la base militaire de Calvi, il a fallu tourner ailleurs, notamment dans la région de Saint-Florent et au cap Corse. Et les scènes de désert ont été réalisées au Maroc. "La grande difficulté a été de trouver des déserts à 360°. J’avais envie de mettre les hommes dans le plat et l’ennui d’un désert sans relief où rien n’attire jamais l’œil, où on attend en vain, dans la frustration, face à une ligne d’horizon qui ne varie pas. L’ennemi invisible dans le néant." Le film n’ayant reçu aucune aide de l’armée française, que ce soit en prêt de matériel ou en lieux de tournage, l’équipe a dû se débrouiller seule. "Nous avons loué du matériel l’armée marocaine et mon chef décorateur, Jean-François Sturn, a accompli des miracles avec très peu."

 

 

Rachel Lang offre une plongée troublante et inattendue au cœur d’une communauté obscure et interroge la carrière militaire sous le prisme de l’amour et de la famille
Mon Légionnaire, le deuxième long métrage de Rachel Lang, présenté en clôture de la Quinzaine des Réalisateurs du 74e Festival de Cannes, est une histoire de guerre, d’engagement. C’est une histoire d’amour. Ou plutôt, c’est une histoire sur ceux qui font la guerre, celles qui entretiennent l’amour.
Un monde où les hommes font la guerre, les femmes s’occupent du reste. Un monde d’opposition, mais où finalement, les frustrations, les attentes et les fragilités se rejoignent. Le film débute avec des corps, jeunes, plutôt, athlétiques, surement, qui dansent en uniforme. Une scène de boîte de nuit, sorte de parenthèse formelle qui introduit un récit lancinant qui fait écho aux interrogations qui traversent comme une lame de fond la vie d’un camp militaire. Des questions universelles, là où on ne les attend pas. Peut-on s’aimer quand on est loin de l’autre, et si oui, comment ? Peut-on obéir à plusieurs loyautés, et la vie de famille est-elle soluble dans l’institution militaire ?
Maxime (Louis Garrel) aime Céline (Camille Cottin). Nika (Ina Marija Bartaité) aime Vlad (Aleksandr Kuznetsov). Ils sont jeunes, ils sont beaux, ils sentent bon le sable chaud, mais contrairement au légionnaire de la chanson, sur leur cœur à eux n’est pas inscrit "Personne". Malgré la résistance de l’institution, malgré l’exclusivité de la Légion, ils essaient de faire couple, envers et contre tout, et de vivre leur amour.
Seulement comment aimer sereinement quand la mort est au tournant ? La vie militaire ne s’accommode pas de serments éternels, et l’inquiétude est l’état par défaut de ces coeurs en attente. Maxime et Vlad attendent l’ennemi, au fin fond du Mali. Céline et Nika attendent leurs hommes, isolées en Corse, insulaires jusque dans leur amour.
Rachel Lang attaque l’armée (concrètement la Légion Etrangère) par un angle incongru, s’immisçant dans son intimité. L’intimité du métier, la vie de bivouac, la complicité mais aussi l’extrême solitude des hommes. Et l’attente, toujours l’attente, celle des ordres et des commandements, celle de l’ennemi, celle de la mort. L’attente aussi des femmes, des mères et des épouses retranchées dans la base, horizon d’espoir des hommes, qui doivent elles aussi gérer l’incertitude, et le maintien du lien, la difficile reconnexion.
Le film et ses histoires d’amour se déploient sur un rythme lancinant, prenant le temps d’écouter les silences, de deviner les mots qu’on ne dit pas. Le temps de laisser venir un baiser, ou de voir les saisons passer. Dans le rôle des jeunes amoureux, on retrouve Kuznetsov (découvert à Cannes en 2018 dans Leto et Bartaité (jeune comédienne découverte dans Peace to Us in Our Dreams, et décédée tragiquement en avril dernier. Tous deux incarnent avec intensité et mystère les jeunes amoureux éloignés par la Légion. Dans le rôle du couple installé, Garrel et Cottin surprennent par leur engagement, là où on ne les attendaient pas, luttant pour surmonter les silences, et réparer les fragilités.