Joe Hill

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En 1902, deux immigrants suédois, Joel et Paul Hillstrom, arrivent aux Etats-Unis. Ils doivent faire face aux amères réalités, une langue nouvelle et l'effroyable pauvreté qui règne dans les quartiers de l'East Side à New-York. Paul quitte la ville, Joel y reste, amoureux d'une jeune Italienne. Mais l'aventure est de courte durée. Rien ne le retenant à New-York, Joel, devenu Joe Hill, se met en route vers l'Ouest pour retrouver son frère...

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Joe Hill, réalisé aux États-Unis par le suédois Bo Widerberg, grand cinéaste méconnu.

Joe Hillstrom était un de ces innombrables migrants européens – suédois en l'occurrence – qui, au tout début du xxe siècle, débarquaient via Ellis Island à New-York, la mégalopole de tous les espoirs. Évidemment il déchanta vite dans le quartier misérable de Bowery où il vivota quelques temps de petits métiers, avant de se décider à prendre la route comme bien d'autres nouveaux arrivants, allant toujours plus loin à l'Ouest et au Sud, un baluchon pour tout bagage, sautant dans les convois de marchandises pour aller vendre ses bras de ville en ville, chapardant pour survivre quelques poulets dans les basses-cours ou quelques fruits pendant aux arbres. Il fit partie des premiers « hobos », ces ouvriers sans domicile fixe, libres de tout engagement et de toute contrainte, qui parcouraient ainsi les États-Unis. Et au début des années 1910, son parcours croisa celui des militants au foulard rouge de l'IWW (International Workers of the World) qui, dans cette préhistoire du syndicalisme américain, sillonnaient le pays pour dénoncer les conditions consternantes de travail. Consternantes est un faible qualificatif puisqu'il n'était pas rare de voir des enfants exploités dans les mines.
Joe Hill, qui avait des talents de poète, un vrai charisme et une belle voix, trouva une nouvelle manière de militer en allant chanter la grandeur de la lutte ouvrière sur les places, son timbre puissant couvrant parfois les presbytériens ou autres chanteurs culs-bénits. Il devint ainsi un des premiers chanteurs folk contestataires, inspirant plus tard des pointures comme Bob Dylan. En 1915, un peu à l'image de ses homologues italiens les anarchistes Sacco et Vanzetti, il fut accusé sans preuves concluantes de l'assassinat d'un épicier et de son fils. Il deviendra un martyr de la cause ouvrière.

Bo Widerberg, connu déjà pour plusieurs beaux films sur la condition ouvrière dans son pays (Adalen 31 tout particulièrement), a réalisé ce superbe film en hommage au grand Joe Hillstrom devenu Joe Hill. Widerberg – connu aussi pour son regard très critique sur le côté spiritualisant de son compatriote Bergman et bien plus passionné par le cinéma brut d'un Cassavetes – filme avec un lyrisme magnifique le quartier misérable de Bowery (une scène intense montre une vieille bourgeoise poursuivant dans ses dédales un enfant qui lui a volé sa fourrure, découvrant ainsi, terrifiée, l'ampleur de la misère ambiante) aussi bien que la campagne américaine verdoyante où les hobos vivent pauvrement mais dignement. Et au-delà du personnage de Joe Hill, campé avec une autorité rayonnante par la grande vedette suédoise Thommy Berggren, Widerberg nous donne une vision exaltante de la classe ouvrière américaine. En 1971, dans le contexte de la répression des mouvements de contestation contre le gouvernement impérialiste de Nixon, Joe Hill avait une signification toute particulière. L'icône Joan Baez ne s'y trompa pas en prêtant au film sa chanson hommage à Joe Hill qu'elle avait interprétée à Woodstock en 1969 (« J'ai rêvé que j'ai vu Joe Hill la nuit passée, aussi vivant que vous et moi »). Le plus beau et le plus naturel des hommages pour celui qui fut le père de tous les protest singers.