Rodéo

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Iremar et sa famille de substitution vivent sur les routes, travaillant dans le milieu des vaquejadas, rodéos traditionnels du Nord du Brésil pour lesquels ils préparent les taureaux. Rêvant de devenir styliste, Iremar accumule étoffes et paillettes, coupant et assemblant ses créations et les derniers modèles à la mode…

Vos commentaires et critiques :

Taureau de néon 

Nous avons beaucoup aimé Rodéo (titre français réducteur, beaucoup moins intrigant et attirant que le titre original et international : Boi neon, Neon bull, « Taureau de néon »…). Pas évident de vous faire partager notre engouement pour un film brésilien sorti de nulle part, réalisé et interprété par de parfaits inconnus (forcément) et qui nous plonge dans le monde improbable – et fascinant – des « vaquejadas », variation brésilienne du rodéo américain (d'où évidemment le titre français).
Dès le premier plan incroyable, on est saisi par la beauté et la force des images. Des corps animaux enchevêtrés au point de se demander pendant quelques secondes à quelle bébête ces chairs peuvent bien appartenir… avant que le plan s'élargisse et nous fasse découvrir des taureaux enserrés dans un étroit couloir et se bousculant pour se jeter dans l'arène, tout cela au fil d'un travelling impressionnant (un mot pour saluer le travail magnifique du directeur de la photographie : le génial Diego García, dont on a pu apprécier le talent dans Cemetery of splendour, d'Apichatpong Weerasethakul).
Le film suit Iremar, le beau gosse plein d'espoir, Galega, la jeune mère camionneuse, Cacá sa fille aventurière et espiègle, et Zé, le collègue ventripotent et libidineux, qui forment un groupe de cowboys itinérants, vivant dans leur camion aux côtés de leurs taureaux. Mais que les allergiques à la tauromachie – dont nous sommes – se rassurent, il ne s'agit pas ici de corridas sanglantes mais de courses de taureaux inoffensives, qui par ailleurs ne sont pas le sujet principal du film. Gabriel Mascaro observe très finement, à travers ses personnages et leur activité pour le moins dépaysante, la mutation d'une région et des gens qui y vivent et y travaillent, le Nordeste brésilien, région hier emblématique de la misère et des luttes paysannes, terre fétiche du cinéma néo-réaliste brésilien des années 70, aujourd'hui portée par un prétendu miracle économique qui fait aussi exploser les inégalités sociales. Une région entre vie rurale traditionnelle – celle justement des vaquejadas – et développement accéléré de l'industrie textile ou de l'exploitation pétrolifère. Iremar est pile-poil entre ces deux mondes, cowboy vivant aux côtés des bêtes dans des conditions spartiates, mais qui rêve de devenir couturier, imaginant avec les moyens du bord des modèles de robes pour Galega, dont il semble secrètement amoureux. En cela Rodéo est une formidable ode aux espoirs des sans grades.
Au-delà de son observation sociologique, Gabriel Mascaro est avant tout un grand cinéaste amoureux de ses personnages qui tous existent formidablement, en premier lieu Galega et Iremar, particulièrement attachants. Gabriel Mascaro prouve aussi sa maîtrise de la mise en scène, autant dans les magnifiques séquences de rodéo que dans les scènes intimistes, tout en jouant des espaces naturels ô combien cinégéniques dans lesquels s'inscrit l'action, ces étendues oubliées de la réussite économique brésilienne. Juste avant la sortie de l'encore plus remarquable Aquarius, Gabriel Mascaro confirme la vitalité émoustillante du cinéma brésilien.