Où est Anne Frank !

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Kitty, l’amie imaginaire d’Anne Frank à qui était dédié le célèbre journal, a mystérieusement pris vie de nos jours dans la maison où s’était réfugiée Anne avec sa famille, à Amsterdam, devenue depuis un lieu emblématique recevant des visiteurs du monde entier.
Munie du précieux manuscrit, qui rappelle ce qu’Anne a vécu il y a plus de 75 ans, Kitty se lance à sa recherche en compagnie de son nouvel ami Peter, qui vient en aide aux réfugiés clandestins ; elle découvre alors sidérée qu’Anne est à la fois partout et nulle part. Et dans cette Europe différente, désormais aux prises avec de nouveaux enjeux majeurs, Kitty trouvera le moyen de redonner au message d’Anne Frank sens, vie et espoir…

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L’amie disparue

Le nouveau long métrage du réalisateur israélien Ari Folman marque l’aboutissement d’un voyage de plusieurs années vers une figure iconique, qui incarne à elle seule le poids de l’éternité face à l’abomination de la Shoah. Publié en 1947, Le Journal d’Anne Frank a donné lieu à une adaptation hollywoodienne réalisée par George Stevens en 1959 et couronnée de trois Oscars. Le parti pris adopté par Où est Anne Frank ! consiste à raconter cette histoire immortelle par la voix de l’amie imaginaire à laquelle s’adresse l’adolescente néerlandaise dans son journal intime. Rédigé du 12 juin 1942 au 1er août 1944, ce classique a été vendu à 30 millions d’exemplaires en 70 langues. Ari Folman s’est fait mondialement fait connaître avec Valse avec Bachir, son troisième long, en compétition à Cannes en 2008 et lauréat l’année suivante du Golden Globe et du César du meilleur film étranger parmi une cinquantaine de récompenses internationales. De retour sur la Croisette à l’invitation de la Quinzaine des réalisateurs, il y a présenté Le congrès qui lui a valu l’European Film Award du meilleur long métrage d’animation en 2013. Coutumier des "sujets à risque", il prépare actuellement un film sur l’autisme inspiré de HorseBoy, récit autobiographique de Rupert Isaacson (L’enfant cheval, éd. Abin Michel, 2010).

 

 

Il est des récits qui traversent les âges… S’attaquer à l’un d’eux sans le trahir, en le dépoussiérant légèrement pour l’actualiser, le rendre accessible aux générations actuelles est un considérable défi. Il fallait bien la maestria d’Ari Folman – auquel on doit le magistral Valse avec Bachir – pour se lancer dans l’aventure. Il nous surprend en renouvelant son style comme sa patte. Ici, elle se fait bariolée, soyeuse, éclatante de joie de vivre et de couleurs. Où est Anne Frank ! est autant un cri de révolte qu’un feelgood movie ! Il a fallu huit ans de recherches, pas moins de 159 000 dessins différents, conçus dans quinze pays, inventer un nouveau procédé pour parvenir à donner au film une dimension vivante, presque organique. La « Hinterhaus » – l’Annexe – où vécut recluse Anne Frank a tout d’abord été reconstituée sous forme de maquette, filmée par d’authentiques caméras, pour enfin y accueillir des personnages animés, par la géniale Lena Guberman, de manière traditionnelle en 2D… Comme quoi cette bonne vieille technique a décidément de beaux jours devant elle 
La force du récit réside dans son angle d’attaque, qui n’est pas celui du célèbre Journal d’Anne Frank. Souvenez-vous : ce dernier était le monologue vibrant d’une jeune fille isolée qui racontait sa vie et ses aspirations à son amie imaginaire qu’elle appelait Kitty. Il cessait le jour où les services de sécurité de la police allemande délogeait les clandestins, la jeune Anne, sa grande sœur Margot, père, mère, amis, qui se cachaient-là depuis deux ans, pour les déporter dans les terribles camps. Le film, lui, débute de nos jours, à Amsterdam, où Kitty prend chair et vie, comme par magie, sans rien connaitre de la nouvelle époque dans laquelle elle vient d’être parachutée, ni se douter de ce qui est advenu de sa meilleure amie, Anne. En quelque sorte, c’est comme une inversion des rôles : Kitty devenue visible, Anne invisible…
Si, intuitivement Kitty se met à dévorer le journal d’Anne, elle ne sait pas encore à quel point son existence est liée à ce dernier, qu’elle en est l’âme. Elle dévore chaque mot, espérant trouver des indices, la trace de cette âme-sœur disparue, renouant avec elle un dialogue entre les lignes, riant de ses descriptions pleines de panache, s’enflammant pour les mêmes convictions, les mêmes valeurs, sans réaliser que plus de 70 ans se sont écoulés. La maturité de ces deux-là nous saute à la gorge. On redécouvre cette belle écriture inventive, vibrante, poétique, rêveuse, critique. Progressivement le personnage de Kitty, fine, espiègle, tout aussi perspicace et déterminée que sa créatrice, crée un pont entre l’histoire passée et les temps présents. Elle sort des quatre murs où elle était confinée pour partir à la conquête de ce nouveau monde. Elle y trouvera des amis, de l’amour, de l’action, de la résistance. Elle le découvrira peuplé de vrombissements, de grisaille, de contradictions, d’injustice, de migrants dans les rues froides, d’enfants exilés qu’on ne regarde même plus, expulsables dans une indifférence crasse… Comme si aucun enseignement n’avait été tiré de ces tristes périodes (actuellement 20% des enfants dans le monde sont en danger de mort parce qu’ils vivent en zone de guerre ou à proximité). Ainsi Kitty, Anne, le film, épousent-ils les grandes causes de la jeunesse contemporaine, nous tendent-ils un miroir, nous incitant à la compassion, à la générosité… De grands mots pour se faire une belle humanité.