Limbo

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Sur une île éloignée de l'Écosse, un groupe de demandeurs d'asile attendent de connaitre leur sort. Parmi eux se trouve Omar, un jeune musicien syrien, qui transporte où qu’il aille l’instrument légué par son grand-père. Entre poésie, émotion et humour, Ben Sharrock livre un film poignant sur le sort des réfugiés.

Vos commentaires et critiques :

 

Sans vouloir faire de généralités sur les cinématographies nationales, on ne peut que constater l’incroyable capacité du cinéma britannique de nous faire passer du rire aux larmes tout en se coltinant des sujets de société graves, qu’il réussit à aborder avec tendresse et légèreté. Dans la continuité de Ali et Ava ou de After loveLimbo démarre très fort par une scène ubuesque. Dans une salle de classe austère, devant un auditoire cosmopolite de jeunes hommes circonspects, un étrange couple simule une scène de danse et de séduction. L’homme balourd tente un rapprochement physique pas franchement consenti avant de prendre une gifle. En fait toute cette mise en scène passablement ridicule fait partie d’un cours d’acculturation pour demandeurs d’asile, destiné à leur enseigner la bienséance minimum dont il faut faire preuve en société envers le sexe opposé… car bien évidemment, dans l’imagerie occidentale, l’immigré, même demandeur d’asile, est un abuseur potentiel.
Puis on découvre le cadre extérieur. Nous sommes en Écosse, plus précisément dans une île paumée au large du pays, dans les Hébrides, puisqu’aussi bien, idée tordue de génie, les autorités britanniques ont installé dans ce bout du monde une vingtaine de demandeurs d’asile dans l’attente de la lettre qui les autorisera ou pas à rester sur le territoire de la Verte Albion : une bonne manière d’ôter à nos gaillards exilés toute envie d’essayer de gagner Londres… Dans ce paysage lunaire, magnifique mais battu par des vents glaciaux une bonne partie de l’année, les réfugiés font comme les rares habitants : ils s’emmerdent ferme et tournent en rond, à l’image de ces jeunes autochtones un peu abrutis et racistes dont la principale activité consiste à faire des dérapages sans fin en voiture sur le sable de la plage.
Le film va s’attacher à quelques personnages : deux frères nigérians obsédés par la série Friends, et dont l’un rêve de devenir footballeur professionnel à Chelsea ; un intrigant et hilarant fan afghan de Freddie Mercury, avec qui il partage la religion zoroastrienne et peut-être l’identité sexuelle ; et surtout Omar, jeune Syrien joueur de oud – il trimbale son instrument partout –, qui a laissé derrière lui des parents à Istanbul et un frère resté combattre Assad. Dans ce désert des Tartares septentrional, la vie des réfugiés est rythmée par le passage de la camionnette du facteur, guettée souvent en vain, et par la queue à l’unique cabine téléphonique, le réseau de portables n’étant fonctionnel qu’au sommet de l’île. Omar y passe beaucoup de temps, écoutant les déceptions, impatiences et reproches de ses parents. Le jeune homme a perdu le goût de la musique depuis qu’il est arrivé en Europe et prétexte un poignet foulé pour ne plus jouer…
Ben Sharrock décrit finement les états d’âme d’Omar et de ses compagnons d’infortune, lui qui a vécu plusieurs années à Damas pour ses études avant de travailler pour une ONG dans un camp de réfugiés algériens. La force du film doit beaucoup à son univers absurde, entre Kaurismaki et Ken Loach, renforcé par une superbe mise en scène et un format carré de l’image mettant en valeur le paradoxe de la beauté des paysages et de la tristesse des cœurs. Mais il faut saluer aussi l’interprétation du jeune Amir El-Masry, qui incarne formidablement le désarroi et le déchirement de ce jeune homme tiraillé entre espoir en l’avenir et fantômes du passé.