Douze mille

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Alors qu’il perd son travail clandestin, et parce qu’il croit que Maroussia et lui ne pourront plus s’aimer aussi bien, Frank part pour gagner autant qu’elle: douze mille, juste ce qu’il faut pour avoir un an devant soi. Pas plus, pas moins. Au fil de son odyssée prolétaire, il devient le héros qu’il rêvait d’être. Mais il y a un prix à payer…

Vos commentaires et critiques :

Si on voulait résumer le film de Nadège Trebal en un mot ? "Étrange" serait sans nul doute celui qui conviendrait le mieux. "Étrange" comme synonyme de fascinant et d’imperfection, de mystère et de séduisant malaise. Douze mille attire en effet par sa beauté atypique et difficile à cataloguer. C'est que les personnages qui habitent l’univers de Trebal ne se laissent certainement pas enfermer dans des catégories prédéfinies, de genre ou de classe. Frank et Maroussia vivent guidés par leur instinct et leurs propres règles, sans prêter attention au jugement d’une société qu'ils préfèrent fuir.
Le travail entendu comme objectif ultime et moteur de réussite sociale ne fait certainement pas partie de leurs priorités. Le sens de la vie se trouve ailleurs, loin d'une logique perverse par laquelle les dominés et les dominants ne se rencontrent pas et partant ne s’affrontent pas, une logique dangereuse qui veut qu'au contraire, chacun reste bien sa place. Nadège Trebal parle de manière directe, sans fausse pudeur, d’argent, d’exploitation et de sexualité.
La relation entre Frank et Maroussia est montrée dans toute son intense corporéité, comme pour nous rappeler que l’être humain est avant tout un animal sauvage. Les personnages qui peuplent Douze mille ne sont pas domestiqués ; ils ne se plient pas aux injonctions d’une société qui les voudrait raisonnables et diligemment soumis. Au contraire, leur vie est gouvernée par l’instinct, par des émotions qui semblent parfois candides tellement elles sont lointaines de notre manière de raisonner rationnelle et pragmatique. De ce point de vue, le film de Trebal est résolument politique, sans rien perdre de sa charge sensuelle et poétique. Et en effet, son côté léger, voire insouciant à certains égards, en fait une œuvre atemporelle.
Il y a des scènes, surprenantes et puissantes dans leur simplicité, où les personnages se livrent à des chorégraphies apparemment improvisées. Du fait de ces moments de "suspension", les luttes du quotidien semblent se transformer en rêves surréalistes, Douze mille peut être vu comme un film chorégraphique qui rappelle des chefs-d’œuvre comme Pola X de Léos Carax ou Les années 80 de Chantal Akerman. C'est un OVNI qui nous fait voyager loin, au-delà de la désolation du quotidien, vers un monde mystérieux où ce qui compte, c’est la violence et l’immédiateté du moment présent.