Sundown

Vous aimez ce film, notez le !
La note moyenne actuelle est de 13,00 pour 1 vote(s)
Une riche famille anglaise passe de luxueuses vacances à Acapulco quand l’annonce d’un décès les force à rentrer d’urgence à Londres. Au moment d’embarquer, Neil affirme qu’il a oublié son passeport dans sa chambre d’hôtel. En rentrant de l’aéroport, il demande à son taxi de le déposer dans une modeste « pension » d’Acapulco...

Vos commentaires et critiques :

 

Alors que Nouvel ordre, son film précédent, pourtant Lion d’Argent à la Mostra de Venise en 2020, n’a toujours pas eu les honneurs d’une sortie en salles en France, le réalisateur mexicain Michel Franco nous « revient » avec une nouvelle variation, à peine moins pessimiste, sur le thème de l’explosion en plein vol de la cellule familiale – prétexte à une évocation au scalpel des rapports complexes, ambigus, qu’entretiennent les plus riches avec la réalité sociale sur laquelle ils prospèrent. Le prologue, radical et percutant, installe un malaise qui baigne de bout en bout, de façon diffuse, ce film énigmatique. Soit donc une famille anglaise en vacances : un homme, une femme et deux grands enfants ; chacun se prélasse sur la terrasse idyllique d’un hôtel de luxe au bord du Pacifique. Bienvenue dans le monde des ultra-riches en cure de bien-être à Acapulco – la vie rêvée dans cet océan de luxe que vendent aux pauvres les magazines de Bolloré-Lagardère, mais de laquelle s’exhale pourtant une ambiance d’étouffement et d’incommunicabilité. Ce « bel » ordonnancement se lézarde lorsqu’un coup de fil annonçant un décès contraint la famille à rentrer d’urgence à Londres. Au moment d’embarquer, Neil, l’homme, ne part pas, prétextant l’oubli de son passeport. En rentrant de l’aéroport, au lieu de retourner à l’hôtel, son taxi le dépose dans une modeste « pension » d’Acapulco… Pourquoi Neil décide-t-il de ne pas rentrer en Angleterre ? Sundown s’inscrit dans la veine de ces films qui racontent comment, à la faveur d’un événement en apparence anodin, un individu peut prendre un chemin de traverse inattendu, qui fait basculer l’histoire dans une autre dimension. Cet imprévu sert alors de catalyseur pour explorer en profondeur les mécanismes des relations humaines.
On est instantanément happé par ce personnage à la dérive, plombé par une inertie mystérieuse, somptueusement interprété par Tim Roth dans un rôle d’anti-héros lymphatique et déroutant. Sur les pas de Neil, on glisse d’un monde fortuné aux quartiers populaires d’Acapulco. Le mythe de « la perle du Pacifique », cité balnéaire prisée par les stars d’Hollywood dans les années 50, s’est bien effrité : c’est aujourd’hui l’une des villes les plus dangereuses du Mexique, en raison de la guerre des Cartels pour le contrôle de son port stratégique. De la splendeur passée ne reste aujourd’hui que quelques bribes, dont les fameux plongeurs des rochers qui perpétuent leurs sauts de l’ange.
Dans un premier temps, Neil donne la sensation de tituber, de se laisser porter et redresser par les rencontres de hasard dans ce nouvel environnement. Les scènes où il se replie sur la plage populaire au cœur d’Acapulco, tournées sans figurants, les acteurs se mêlant simplement à la foule réelle, ont un aspect quasi documentaire. Plus le film avance, plus on est fasciné en même temps que perplexe devant ce personnage aux motivations insaisissables, accro à la bière et aux rayons solaires, témoin impassible de la violence environnante… Lorsque Neil renoue les liens avec sa famille, la psyché énigmatique du personnage se révèle davantage, dessinant des pistes d’explication.
La caméra de Michel Franco capte avec force l’intériorité des personnages. Le film raconte l’histoire particulière d’une famille dans laquelle le poids de l’héritage est énorme, mais il parle aussi, surtout, des inégalités économiques, de l’incommunicabilité, des diverses formes que peut prendre la violence, qui s’installe progressivement dans le film et qui lui donne jusqu’à la fin son rythme soutenu.