Workers

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Rafael est balayeur depuis trente ans dans la même fabrique d'ampoules électriques. A la veille de prendre sa retraite, il s'achète une nouvelle paire de chaussure pour l'occasion. Mais son patron lui joue un sale tour, bien qu'il fut toujours un employé de confiance: comme il est immigrant non déclaré, il n'aura droit à aucune pension...
Lidia fait partie des sept employés qui entourent et soignent une vieille Mexicaine fortunée qui n'a d'yeux que pour son chien à qui elle lègue toute sa fortune à sa mort. Pour Lidia, en fait, rien ne change vraiment, au début. Mais petit à petit elle réfléchit à ce qu'avoir un chien pour patron peut bien vouloir dire...

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On le sait depuis Buñuel, le cinéma mexicain sait dresser un portrait féroce de sa société et particulièrement de son extravagante bourgeoisie. Et on le sait depuis Zapata, les Mexicains peuvent avoir de très violentes mais très légitimes colères envers ceux qui prétendent les commander. Workers, grand film de lutte des classes cruel et pince-sans-rire, rassemble ces deux talents : une description terrifiante de l’inégalité sociale (le Mexique, pays pourtant en voie de développement, pouvait se vanter en 2012 de compter parmi les siens l’homme le plus riche du monde… avant qu’il ne soit détrôné de nouveau en 2013 par Bill Gates) et la vision d’une sourde violence des exclus qui menace d’exploser. Et c’est justement le côté fascinant du film : cette violence pourtant bien présente ne trouve pas à se manifester concrètement, même si… mais on ne vous en dira pas plus.

Le récit se concentre autour de Rafael et Lidia, deux sexagénaires qui furent mariés autrefois mais qu’un drame a séparés et dont on ne sait tout au long du film si leurs destins vont se croiser de nouveau. Lui, immigré salvadorien (tout comme le réalisateur, qui règle peut être au passage quelques comptes avec le Mexique), travaille depuis trente ans comme homme de ménage dans la même entreprise d’ampoules électriques. Un employé sans histoire, consciencieux, qui a une telle fidélité envers son employeur qu’il pousse le zèle jusqu’à mettre les ampoules de sa marque en tête de gondole quand il se rend au supermarché… Pour lui, l’heure de la retraite tant attendue a sonné. Il achète même des souliers neufs pour se rendre à son ultime entretien…

Quant à Lidia, elle est employée de maison au service d’une milliardaire malade qui n’a qu’un seul amour, qu’une seule préoccupation, qu’une seule obsession : sa jeune femelle lévrier, créature aussi rachitique qu’elle est choyée, jusqu’à l’absurde… La mission de Lidia est de préparer rituellement au ridicule animal un steak calibré qu’elle lui sert à heure fixe dans une gamelle dorée, et aussi de l’emmener en promenade à travers la ville dans la Mercedes avec chauffeur ! Mais qu’adviendra-t-il quand la richissime malade passera l’arme à gauche ?

Le grand talent de Jose Luis Valle est de montrer l’indécence et l’absurdité de la situation avec une remarquable économie de dialogues : quelques plans formidables sont bien plus efficaces que des mots pour expliquer la situation. Les deux protagonistes principaux – et de manière plus générale les travailleurs au service des riches – sont des taiseux qui gardent leurs sentiments et leurs ressentiments bien profondément… avant débordement. Et le film nous fait bien ressentir l’arrivée imminente de ce ras-le-bol : nous sommes dans un lancinant thriller contemplatif, un suspense en suspens…

Le réalisateur exploite aussi la spécificité de Tijuana, ville frontière où les Américains viennent faire leur courses de tequila pendant que les malheureux Mexicains se pressent contre le mur de séparation qui plonge jusqu’à la mer, pour tenter de communiquer entre deux piles de métal avec leurs proches émigrés. Mais sans déflorer l’issue, autant dire que la vengeance sera à l’échelle de l’humiliation subie, et Workers sonne comme un authentique appel à la révolte sociale, pour qu’une fois au moins les damnés de la terre aient le dernier mot.