Nina Wu -12

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Nina Wu a tout quitté pour s’intaller à Taipei dans l’espoir de faire une carrière d’actrice. Mais elle n’a tourné jusqu’alors que quelques publicités. Un jour, son agent Mark lui propose le casting du rôle principal d’un film d’espionnage. Malgré sa réticence à la lecture des scènes de nu et de sexe, Nina se rend à l’audition.
  • Titre original : Zhuó rén mìmì
  • Fiche mise à jour le 03/02/2020
  • Classification : Interdit aux moins de 12 ans
  • Année de production : 2019
  • Réalisé par : Midi Z
  • Acteurs principaux : Wu Ke-xi, Vivian Sung, Hsia Yu-chiao
  • Date de sortie : 08 janvier 2020
  • Date de reprise : non renseignée
  • Distributeur France : Épicentre Films
  • Distributeur international : Luxbox
  • Durée : 103 minutes
  • Origine(s) : Taïwan
  • Genre(s) : Drame
  • Pellicule : couleur
  • Format de projection : 2.39 Scope 2K
  • Format son : 5.1
  • Visa d'exploitation : 152076
  • Indice Bdfci :
    65%

Vos commentaires et critiques :

FESTIVAL DE CANNES 2019 : UN CERTAIN REGARD

En attendant la gloire

Bien que peu de ses films aient été distribués en France, l’œuvre de Midi Z (de son vrai nom Chao Te-yin) est déjà largement reconnue à l’international. Né en Birmanie en 1982 dans une famille d’origine chinoise, il a effectué ses études à Taïwan avant de se faire remarquer avec ses deux premiers films, Return to Burma (2011) et Poor Folk (2012), présenté au Festival des Trois Continents de Nantes. Il signe ensuite Bing du (2014), récompensé dans diverses manifestations. Midi Z obtient le soutien du fonds d’aide à l’écriture du Festival d’Amiens pour Adieu Mandalay (2016), qui lui vaut de nombreux prix, dont celui de la critique internationale à Venise. Au lendemain du documentaire 14 pommes (2018), Nina Wu  s’attache à la destinée d’une comédienne campée par la muse taïwanaise du cinéaste, Wu Ke-xi, qui a d’ailleurs collaboré pour la première fois à l’écriture du scénario avec  son mentor.

Si ce film troublant est indubitablement taïwanais, par sa production, mais aussi par son habile scénario co-écrit par sa sublime actrice principale, on ne peut faire abstraction du fait que son réalisateur est d’origine birmane, issu d'une famille très pauvre. De là provient sans doute son intérêt empathique pour les minorités, les dominé-e-s de la terre. Si Midi Z ne se proclame pas féministe, son analyse, ses considérations, son positionnement à travers le point de vue de son héroïne le sont. Il met au service de ce regard féminin toute la puissance de sa mise en scène : rien n’y est superflu, tout est méticuleux, chaque distorsion du son, surexposition de l’image, saturation de couleurs sont porteuses de sens, rendent palpable l’univers intérieur de la protagoniste. Le climat rendu est anxiogène, flirte dangereusement avec une forme de paranoïa entre hyper-réalisme et fantasmes. Nous voilà submergés par les modulations intérieures de Nina, un vertigineux maelstrom qui s’agite sous son crâne, remue la vase en tous sens, l’empêchant ne serait-ce que de percevoir le fond, d’aller le toucher une fois pour toutes dans l’espoir de rebondir vers la surface. Comme elle, on rêverait d’une goulée d’air frais salutaire… 
Mais commençons par le commencement, si on y parvient. Car là aussi, la construction du film est un kaléidoscope déformant qui se joue de l’espace mais principalement du temps. Nina nous apparait au début comme une jeune fille noyée dans la masse impersonnelle de la tentaculaire Taipei. Voilà huit ans qu’elle s’obstine à devenir actrice sans parvenir à décrocher autre chose que des plans publicitaires, obligée de survivre grâce à de minables expédients. Ses repas pris en solitaire, ces éternels raviolis qu’elle avale de façon mécanique, contrastent avec la mine de blogueuse aguicheuse qu’elle affiche sur la toile. 
Que ne ferait-elle pas pour émerger un peu du tas, accomplir son ascension sociale ! La tentation de baisser irrémédiablement les bras serait proche, sans cet ultime appel de son agent surnommé « Mark » – pour faire plus chic, plus occidental, plus exotique. D'ailleurs quand il lui cite les grandes actrices « libérées » dont il faudrait suivre l’exemple, ce sont des noms de stars blanches qu’il énumère. Refuseraient-elles un grand rôle au prétexte d’une scène dénudée ? Car c’est bien sûr de cela dont il est question. Il vient de trouver un casting en or pour sa protégée, un premier rôle dans une intrigue d’espionnage qui pourrait propulser sa carrière. Mais il y a une courte scène un peu osée… Bien sûr, il comprendrait que Nina refuse, le choix n’appartient qu’à elle… La messe, à demi-mots à peine déguisés, semble dite. Une ellipse plus tard, voilà Nina au milieu d’une poignée de filles toutes de rouge vêtues… L’audition débute…
C’est Nina Wu qui sera choisie. Il y a désormais un film dans le film à décortiquer. Et ce film ne nous dit rien qui vaille, il se transforme en terrible thriller psychologique, avec une ambiance émotionnelle et charnelle qui fait froid dans le dos, tandis que Nina est assaillie par de terribles cauchemars qui semblent tellement réels… Le sont-ils ?
Pour découvrir un fond de vérité dans tout cela, il faudra attendre l’ultime minute, ou se pencher sur le parcours de l'actrice Ke-Xi Wu, laquelle s’est largement inspirée de son histoire personnelle pour écrire le scénario, qui devient alors sa façon de s’exclamer #MeToo et de dénoncer un système de domination. Son héroïne est unique autant qu’elle est hybride, les autres personnages de femmes qui l’entourent – la no3 du casting (l’envahissante culpabilité) et son amoureuse et amie d’enfance (l’innocence perdue) – peuvent également être vues comme des facettes dérobées d’elle-même, les trois réunies formant un subtil triptyque, comme un miroir brisé après un choc trop violent. Il n’est pas gratuit que Chambre 1408 soit le titre d’un film produit par Harvey Weinstein…