Get Out -12

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Un jeune afro américain, lors de sa visite sur le domaine de la famille blanche de sa petite amie, va vite se rendre compte de la sinistre raison cachée derrière cette invitation.

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Il y eut, en 1967, un film de Stanley Kramer, spécialiste de la fiction hollywoodienne à thèse, qui imaginait la surprise d’un couple de bourgeois blancs (Katharine Hepburn et Spencer Tracy) découvrant que le fiancé de leur fille était noir. Au plus fort de la lutte pour les droits civiques, Devine qui vient dîner ? était une comédie un peu lourde qui professait un antiracisme alors jugé encore un peu trop aseptisé et sage, d’autant plus acceptable que le fiancé avait tout du gendre idéal (Sidney Poitier). Cinquante ans plus tard, la question, et la nature peut-être, du racisme s’est sans doute déplacée, et c’est une des qualités du film de Jordan Peele d’utiliser les conventions du cinéma de terreur pour en livrer une métaphore politique sinon subtile du moins relativement sagace.
Une jeune femme décide d’emmener son petit ami afro-américain dans la somptueuse maison de ses parents afin d’y passer quelques jours. En découvrant les géniteurs de sa fiancée (le père est neurochirurgien, la mère psychothérapeute), le héros de Get Out se trouve face à un couple de grands bourgeois blancs progressistes, éclairés, avouant avoir soutenu et voté Obama et accueillant le boyfriend de leur fille avec une bienveillance apparemment indifférente à sa couleur de peau.
Les barrières de classes et de races sont certes encore perceptibles lorsque le héros remarque que les domestiques de la maison sont tous noirs et que leurs regards portés sur lui engendrent une vague culpabilité. Insidieusement, pourtant, s’installe une angoisse sourde, un malaise de plus en plus palpable et en même temps sans véritable cause ni objet visibles. La tolérance affirmée apparaît en effet comme une autre manière de considérer, avec une distance suspecte, la « différence » de l’hôte.
Le surcroît de gentillesse et d’attention rationnelle devient progressivement aussi menaçant que le mépris avoué. Toute la première partie du film, très réussie, nourrit ainsi l’effroi du spectateur de manière paradoxale. C’est parce que tout a l’air apaisé que tout semble dérangeant. Rien de plus raciste que l’antiracisme lorsqu’il s’évertue à gommer l’altérité de l’autre. Tel est l’étrange et évidente proposition énoncée par le film de Jordan Peele.
L’originalité de Get Out apparaît néanmoins de façon encore plus flagrante lorsque les conventions des récits fantastiques surgissent. Parce que, justement, ce qui relève de la convention se voit ici lesté d’un poids allégorique, parfois un peu appuyé, mais éclairant et subtilement décalé, voire inversé. Sans dévoiler au spectateur les surprises que le récit lui réserve, surprises venues tout autant de l’horreur gothique que de la science-fiction, on peut dire que le retour des motifs classiques que sont à la fois le vampirisme et le défi frankensteinien dévoilent un lourd secret.
Longtemps, le racisme s’est nourri d’une phobie sexuelle et d’une terreur de la souillure, de grands films (dont ceux de John Ford notamment) l’ont démontré. Ici, c’est proprement le désir de s’approprier la puissance de l’autre qui agite le monstre, ce dont il veut se nourrir. Que cette puissance soit physique et, bien sûr, sexuelle apparaît à plusieurs reprises comme flagrant. Croire que l’autre jouit à votre place est le fondement du ressentiment raciste. Si l’autre jouit à votre place, pourquoi ne pas jouir dans la peau de l’autre ? Ainsi, au-delà même de l’allégorie d’une exploitation économique des Noirs, c’est l’envie face à un pouvoir présumé et hors d’atteinte qui affirme le ressentiment du « vampire » blanc convoitant désormais ce qui lui faisait peur.

 Jean-François Rauger