Oleg

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Oleg est ouvrier boucher. Il quitte la Lettonie pour Bruxelles, où il espère trouver un salaire décent. Trahi par un collègue, son expérience tourne court. Oleg est alors recueilli par un criminel polonais, avant de tomber sous son emprise mafieuse.

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Travailleurs attachés

Le scénario d’Oleg est parti de l’interview d’un jeune homme au parcours semblable à celui du personnage principal du film. “Un ami journaliste, Kaspars Odiņš, m’a fait lire son article. Je l’ai lu après une journée de tournage de Modris et cela m’a frappé, raconte Juris Kursietis. Après avoir fini mon film, Kaspars m’a donné la transcription de l’interview et nous avons rédigé ensemble une première ébauche, puis j’ai continué avec mon  épouse, Līga.” Oleg est produit par Alise Ģelze et Aija Bērziņa (Tasse Film). “Aija était la productrice déléguée de mon précédent long. Il me fallait un producteur cosmopolite pour Oleg et Tasse Film a l’expérience des coproductions et du tournage à l’étranger.” Kursietis décide de tourner à Bruxelles, ville symbolique des institutions européennes. Avant de partir en repérages, il fait des recherches sur la situation des travailleurs lettons sur place. “On m’a répondu qu’ils travaillaient au sein des institutions européennes, où ils étaient bien rémunérés.” Mais la réalité est très différente. “En visitant une usine de traitement de la viande à Gand, nous avons rencontré une brigade de dix désosseurs lettons. J’ai découvert qu’il y avait une brigade féminine dans l’usine voisine et ainsi de suite. Cela en dit long sur la bulle dans laquelle nous vivons.” Le financement a été long, certains fonds européens jugeant le film trop ambitieux au regard des possibilités de financement  lettones ou que son propos était outrancier. En fin de compte, Iota Productions (Belgique) a permis de boucler le budget nécessaire.

Oleg débarque à Bruxelles pour travailler dans une usine de viande. Venu de Lettonie, il espère gagner en Belgique un salaire décent et ainsi éponger les dettes qu’il a laissées au pays. Trahi par un collègue et accusé à tort d’avoir commis une faute, Oleg perd son emploi et tout espoir de s’en sortir... Andrzej, immigré polonais, lui propose alors de l’aider à trouver un nouveau job. Oleg accepte la main tendue avant de découvrir que derrière son apparence de type jovial et charitable, Andrzej trempe dans des affaires louches et veut profiter de la vulnérabilité d’Oleg pour l’entraîner dans ses combines. Piégé dans une spirale de plus en plus malsaine, Oleg va devoir se battre pour sortir de cette emprise.
Filmé caméra à l’épaule, au plus près de ses personnages, dans un format carré, Oleg nous enferme avec son personnage dans un univers claustrophobe, celui des laissés-pour-compte du rêve européen. La charge est acerbe : les pays les plus aisés profitent sans vergogne des immigrés les plus démunis, dans une situation qui pourrait être qualifiée d’esclavagisme moderne. À ce titre, la situation d’Oleg est particulièrement délicate : il est en effet considéré comme un « non-citoyen » en Lettonie, une spécificité héritée de la période soviétique dans laquelle des étrangers sont venus travailler dans le pays à l’invitation du gouvernement sans jamais devenir des citoyens à part entière. Sans nationalité, isolé, ne parlant que sa langue et quelques bribes d’anglais, Oleg fait ainsi figure de proie idéale. D’un réalisme glaçant, le film de Juris Kursietis est aussi traversé d’échappées oniriques et de séquences métaphoriques : une œuvre puissante et inquiétante qui rend compte de la violence d’une réalité méconnue mais qui n’est pas pour autant dénuée de beauté et d’espoir.