Cuban Network

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Début 1990. Un groupe de Cubains installés à Miami met en place un réseau d’espionnage. Leur mission : infiltrer les groupuscules anticastristes responsables d’attentats sur l’île.

Vos commentaires et critiques :

Avec un charme et une discrétion presque timides, Olivier Assayas creuse son sillon tenace, construisant une œuvre puissante et polymorphe. Jamais il ne se complaît dans la facilité de la redite, toujours il outrepasse ses zones de confort, explore de nouveaux genres, passant de l’intime au collectif, du contemplatif à l’action qui ébouriffe. De Demon lover à Sils Maria, de L’Heure d’été à Clean, d’Après mai à Carlos… le réalisateur éclectique semble vouloir embrasser toutes les langues, tous les styles en les modernisant de façon subtile, érudite sans ostentation. 
Avec Cuban Network, Assayas met en lumière une période historique dans laquelle ni une chatte, ni un gros matou (ne soyons pas sexiste) ne retrouverait ses petits. Bien malin – ou bien féru d’histoire – qui en devinera la chute. Dans la catégorie des récits d’espionnages, l’affaire dite des « Cuban five » (des 5 espions cubains) vaut son pesant de missiles, qu’ils soient russes ou américains. Elle n’est par ailleurs, on s’en doute, que l’infime partie émergée d’un iceberg noyé dans les abysses ténébreux des secrets d’État. Vous voilà avertis, ce film d’action parfaitement mené, qui part d’un point de vue intime et faussement anecdotique, va vous catapulter dans une autre dimension spatio-temporelle.
Tout débute dans les années 90… René Gonzalez est un père attentionné, un mari aimant, un militant communiste de la première heure, un patriote cubain modèle donc ! Brave parmi les braves, il fut volontaire pour participer à la guerre civile en Angola, en 1977, afin de soutenir le parti marxiste au pouvoir. De là à dire qu’il fut un héros… En tous cas, Olga, sa lumineuse épouse (Pénélope Cruz) qui le connaît sur le bout des doigts, n’a aucun doute sur sa droiture, sa probité, son engagement. Alors, ce jour-là, quand les émissaires du gouvernement de Castro viennent lui annoncer que son époux a détourné un avion pour s’enfuir à Miami, tel un vil paria, son univers s’effondre : « Il doit y avoir erreur ! ». Les heures passant, force est de constater que René ne reviendra pas. Les interrogatoires officiels qui s’ensuivent ne sont rien face aux interrogations qui vrillent le cerveau d’Olga. Qui est réellement l’homme qui vivait à ses côtés ? Comment a-t-il pu les abandonner, elle et leur fillette Irma, sans un soupir, sans un regret, sans un mot d’adieu ? Pire que le discrédit jeté sur la famille est ce sentiment de trahison, non seulement de ce qu’elle croyait être leur amour mais aussi de leurs idéaux communs. Quand il l’appellera plus tard, il sera difficile de rétablir un semblant de confiance. Entre la loyauté à son pays ou à son couple, le choix d’Olga sera tranchant.
En attendant, sitôt arrivé en Floride, René se voit proposer de nouveaux postes de pilote. Tant son expérience en la matière que son statut de dissident en font une pièce maîtresse que les groupuscules d’exilés cubains comme les services d’espionnages américains vont se disputer. Entre le FBI, les organisations castristes et anti-castristes, humanitaires, mafieuses, notre dissident aura largement le choix pour monnayer ses services. Il ne sera pas le seul dans ce cas. Ses pas croiseront ceux, par exemple, de Juan Pablo Roque, un lieutenant-colonel de l’armée de l’air cubaine ayant déserté en rejoignant à la nage la base américaine de Guantanamo. Trop belle gueule pour être honnête, ce dernier ne se privera pas de jouer double, voire triple jeu. Sans doute ne sera-t-il pas le seul… Ce sont de véritables traquenards qui se tendent de toutes parts, dont les citoyens lambda ne peuvent être que d’insignifiantes victimes, cyniquement sacrifiées au profit d’intérêts plus grands qu’elles. 
Tous les ingrédients sont là pour être tenu en haleine. Extraordinaire façon de se replonger dans les relations complexes entre l’autoritaire régime cubain et le malveillant Oncle Sam. Olivier Assayas contourne adroitement les écueils idéologiques qui pourraient conduire à un débat rebattu et stérile. Sans prendre parti pour un pays plus que pour l’autre, il n’occulte pas l’implication de chacun, ce qui rend le propos très contemporain. En définitive la manipulation, la désinformation, la propagande résistent merveilleusement bien au temps qui passe… Un excellent thriller historique et géo-politique, réalisé avec une maestria impressionnante, autant dire une rareté dans le cinéma français.