Brooklyn Village

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Une famille new-yorkaise hérite d'une maison à Brooklyn, dont le rez-de-chaussée est occupé par la boutique d'une mère latino-américaine. Bien que de milieux très différents, Tony et Jake, les enfants des deux familles, tissent une amitié très forte. Mais les nouveaux propriétaires réalisent bientôt que le local commercial pourrait leur rapporter bien plus...

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La Mouette

De fait, c'est de Brooklyn Brownstone qu'il s'agit dans ce très joli film, ainsi appelé à cause du grès rouge qui caractérise ses maisons anciennes (xixe siècle) devenues récemment, après rénovation, la coqueluche des milieux les plus favorisés qui se sont mis à affluer dans ce coin de New-York, faisant flamber les prix, chassant plus loin les fauchés qui s'y concentraient jadis… 
Brian est un acteur talentueux, mais c'est sa compagne qui fait bouillir la marmite. A la mort de son père, qu'il ne voyait guère, il hérite dans ce quartier de Brooklyn d'une maison que, de sa vie, le couple n'aurait jamais pu s'offrir. Une aubaine que ne goûte guère Jake, leur ado de treize ans, qui doit quitter Manhattan où il avait copains et habitudes. 
Heureusement au rez-de-chaussée de l'adorable maison, il y a une couturière et son fils, Tony, et les deux garçons accrochent tout de suite : l'un rêve d'être artiste, l'autre d'être acteur, ils vont vite prendre l'habitude de faire le chemin jusqu'à leurs cours, l'un en roller l'autre en skate, de partager leurs chambres qu'un tout petit étage sépare, mangeant chez les parents de l'un ou la mère de l'autre… Et sur ce déracinement si mal vécu en son début par Jake se construit une de ces chouettes amitiés qui vous illuminent une vie.
Côté parents, la sympathie avec la couturière est immédiate : de toute évidence elle était très proche du père qui oubliait d'ailleurs de lui faire payer son loyer, déjà pas très gros. La confection n'est plus ce qu'elle était, et elle a beau s'user les yeux et les doigts à la tâche, Leonor, immigrée d'origine latino américaine, qui élève seule son gamin, n'aurait jamais pu rester là si elle avait dû assumer la grimpette incessante des coûts de l'immobilier… Problème bien connu sur toute la planète et particulièrement dans nos pays gavés, où le travail se concentre dans et autour des villes, attirant une foultitude de personnes en demande de boulot mais dont les salaires ne suivent pas l'augmentation constante du coût de la vie… Les grandes villes, riches de musées, de manifestations culturelles, de festivités diverses, deviennent peu à peu des réserves de nantis et le fossé se creuse inexorablement, tandis que les tensions montent, entre ceux qui ont accès à tout et ceux qui n'ont pas grand chose.
Mine de rien, c'est l'histoire de l'évolution de nos sociétés qui se joue là à Brooklyn village. Ils sont sympas les parents de Jake, mais ils ont besoin de sous… Surtout le père, qui conçoit une forme d'humiliation à gagner moins que sa femme : ne serait-il pas juste qu'à l'occasion de cet héritage tombé du ciel, il rétablisse un peu une égalité financière des apports ? Sans oublier sa sœur qui voudrait bien profiter elle aussi de l'aubaine… Alors peu à peu les relations vont se tendre entre les nouveaux proprios et leur locataire qui ne peut répondre à leurs nouvelles exigences. Jake et Tony, bien loin de ces préoccupations, n'apprécient guère, les relations entre générations se détériorent et Jake entame une grève de la parole, ne répondant plus à ses parents…
Superbe, cette histoire d'amitié, mais pas simple de répondre à la question : a-t-on encore les moyens de vivre au niveau d'aussi jolis sentiments, est-il encore possible que l'amitié puisse survivre à cette nouvelle lutte des classes ? Jack et Tony se tiennent, main dans la main, sur l'abîme qui se creuse entre leurs géniteurs. Savent-ils à quel point leur amitié est précieuse et combien elle va leur manquer s'ils se laissent avaler par les conflits des grands ?