Les Proies

Vous aimez ce film, notez le !
La note moyenne actuelle est de 15,00 pour 1 vote(s)
La vie d’un pensionnat de jeunes filles dans l’Etat de Virginie en 1864. Alors que la guerre civile fait rage, le pensionnat pour jeunes filles de Miss Martha Farnsworth reste totalement coupé du monde – jusqu'à ce qu’à proximité, soit découverte un soldat blessé que le pensionnat va héberger.

Vos commentaires et critiques :

CANNES 2017: COMPÉTITION

Folie de femmes

Sofia Coppola signe avec The Beguiled, une nouvelle version des Proies (1971) de Don Siegel, un western situé à la fin de la guerre de Sécession, dans lequel Clint Eastwood incarnait un caporal nordiste blessé qui trouvait refuge dans un pensionnat de jeunes filles sudistes. Un film tiré du roman de l’écrivain sud-africain Thomas Cullinan, publié en 1966. Nicole Kidman y reprend le rôle tenu par Geraldine Page, Kirsten Dunst y retrouve sa réalisatrice de Virgin Suicides (présenté à la Quinzaine en 1999) et Marie Antoinette (en compétition en 2006). Quant à Ella Fanning, elle tenait déjà le rôle principal de Somewhere (2010). C’est Colin Farrell, également partenaire de Nicole Kidman dans Mise à mort du cerf sacré, qui succède à Clint Eastwood. La réalisatrice poursuit là sa collaboration avec le producteur de Somewhere et The Bling Ring (présenté à Un certain regard en 2013), Youree Henley.

Avant d’aller voir ce film, vous croiserez sûrement quelques cinéphiles un peu snobs, voire blasés, qui vous diront doctement : « Les Proies ? La version de la fille Coppola ne peut pas être aussi géniale que celle de Don Siegel en 1971 avec Clint Eastwood, un des thrillers les plus troubles de l’histoire du cinéma, dans lequel la guerre et le désir sexuel se croisent pour le meilleur et le pire ».
Effectivement le nouveau film de Sofia Coppola est un remake avoué du film original de Don Siegel, lui-même adaptation d’un roman culte. L’intrigue est à quelques détails près identique : nous sommes à la fin de la Guerre de Sécession, en territoire confédéré, dans l’atmosphère chaude et humide des contrées subtropicales des États du Sud. La guerre fait encore rage, comme on peut le deviner au bruit lointain des canons. Une petite fille en balade découvre dans la forêt un soldat nordiste blessé. Au lieu de le dénoncer aux militaires de son camp, elle préfère le traîner jusqu’au pensionnat où elle réside. Malgré leurs réticences, malgré la haine spontanée qu’inspire cet ennemi appartenant à l’armée qui est en train de vaincre leurs proches et de détruire les fermes esclavagistes environnantes, la directrice, son assistante et les autres jeunes pensionnaires décident de soigner et protéger l’homme avant de prendre tout autre décision. Mais la compassion et la charité chrétienne de ces jeunes filles, jeunes femmes et femme mûre, trop longtemps vouées à la non mixité la plus stricte, vont céder rapidement le terrain à la curiosité féminine, curiosité passant sans tarder aux jeux du désir et de l’amour. Des jeux de plus en plus dangereux dès lors que le soldat blessé va évidemment vouloir jouer de son charisme indiscutable pour susciter le trouble et la concurrence amoureuse dans le gynécée en émoi, dans le but de semer le chaos et de s’échapper…
Quoi qu’en disent les nostalgiques évoqués plus haut – et aussi étouffant et génialement oppressant que soit l’original de Don Siegel, avec un Clint Eastwood séducteur et manipulateur au possible –, Sofia Coppola sait admirablement utiliser la fluidité de sa mise en scène (récompensée au Festival de Cannes) pour faire glisser le film du marivaudage plaisant, voire amusant, entre le soldat et ses adorables geôlières au thriller. Les paysages, les décors, les lumières, le cadre étouffant (cette maison dans la chaleur moite de l’été sudiste qui semble isolée du reste du monde en guerre) exacerbent les désirs des protagonistes et font fermenter le drame en devenir. La mise en scène joue aussi du contraste entre les intérieurs feutrés, les robes soignées des femmes et le sang et la sueur de l’homme blessé. Sofia Coppola, dans la droite ligne de son premier bijou Virgin Suicides décrit de manière fascinante ce groupe de femmes de plus en plus inquiétant, avec au cœur du dispositif trois actrices remarquables : Nicole Kidman splendide de fermeté et de détermination impitoyable, Kirsten Dunst parfaite en femme romantique et Elle Fanning géniale en perverse mutine. Quant à Colin Farrel, il incarne à merveille toutes les facettes ambivalentes du soldat, tour à tour charmeur et prévenant, mais aussi manipulateur et violent.