Mort à Sarajevo

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Alors que l’Hotel Europe accueille une importante délégation de diplomates réunis pour le centenaire du début de la Première Guerre Mondiale, les employés préparent une grève. L’hôtel devient le théâtre d’un conflit social, idéologique et politique et les tensions menacent dangereusement de perturber le dîner de gala.

Vos commentaires et critiques :

Après ses deux Ours d’argent pour La Femme du ferrailleur en 2013 (dont celui du meilleur acteur pour Nazif Mujić), Danis Tanović, le réalisateur le plus éminent de toute la Bosnie, se retrouve en lice à la Berlinale avec Mort à Sarajevo . Le drame, tourné dans un hôtel de Sarajevo pour commémorer le 100e anniversaire de l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, est un regard sur la Bosnie et l’Europe d’aujourd’hui, ainsi que sur la manière dont passé et présent se retrouvent inextricablement entremêlés.
Après une courte leçon d’histoire donnée par la journaliste de télévision Vedrana, des lieux mêmes de l’assassinat commis par Gavrilo Princip qui provoqua la Grand Guerre, on entre dans l’hôtel Europe, dont le gérant, Omer, ne cache pas sa hâte de recevoir un invité VIP venu de France, Jacques (Jacques Weber), qui doit donner le discours inaugural d’un gala européen de commémoration du centenaire qui se tiendra à l’hôtel.
Après l’arrivée de Jacques, Lamija, la réceptionniste dévouée, porte sa chemise à la blanchisserie tandis qu’on suit ses pas à travers l’hôtel, ce qui permet de faire plus ample connaissance avec les personnages qui le peuplent.
Omer a une autre mission que l’important gala : il doit à tout prix éviter une grève du personnel, qui n’a pas été payé depuis maintenant deux mois. Devant le peu de succès qu’il remporte, il décide demande de l’aide à Enco, le propriétaire du club de strip-poker des sous-sols de l’hôtel, et à ses sbires.
Dans la salle de surveillance vidéo, voit Jacques répéter son discours et peiner à prononcer le nom de Gavrilo Princip, mais le message qu’il veut faire passer est clair. Sur le toit, Vedrana interviewe le descendant de Princip, qui s’appelle aussi Gavrilo Princip). Devant les caméras, tous deux en viennent à se quereller sur la place de Princip dans l’Histoire (héros ou terroriste ?), puis sur les guerres récentes et la division en Bosnie entre ʺeuxʺ et les ʺautresʺ.
Le film se déroule entièrement dans l’hôtel, une limitation de l’espace que le réalisateur transforme en un avantage, passant d’une intrigue à l’autre. Sur le toit, on discute d’histoire et de religion, à l’intérieur de l’hôtel, de la commémoration et de la grève du personnel, au sous-sol, des règles du club clandestin. Un autre dispositif efficace est l’ample usage que fait le directeur de la photographie Erol Zubčević du travelling, dans ce bâtiment labyrinthique. Les scènes du toit donnent en outre à voir des architectures modernes, tout en verre et en métal, qui contrastent avec le décor intérieur de l’hôtel et les débats historiques qui s’y déroulent.
Le film a été adapté de la pièce-monologue Hôtel Europe de Bernard-Henri Lévy, où le personnage de Jacques avait déjà été créé par Jacques Weber. La pièce est ici sublimée par le réalisateur, qui nous montre le visage d’une Bosnie tourmentée et frustrée et suggère le rôle (non assumé) de l’Europe dans la création du pays.
Les implications du film sont indénombrables, mais le réalisateur ne tente en aucun cas de fournir des réponses, car même un siècle après l’assassinat à l’origine de l’éclatement de la Première Guerre mondiale, personne dans les Balkans ne s’accorde sur le rôle historique de Princip, éclipsé par les récents événements tragiques et les divisions actuelles, qui sont loin d’être franchement résolus. Cependant, Tanović nous offre tout de même un espoir de voir les voisins trouver un moyen de vivre ensemble, en acceptant de se voir comme des êtres humains et non comme des membres d’un groupe ou de l’autre.
Mort à Sarajevo a été coproduit par la société bosnienne SCCA/Pro.ba avec la française Margo Cinema. Les ventes internationales du film sont assurées par The Match Factory.