Le Dernier des hommes TP

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Le portier de l'Atlantic, sanglé dans son uniforme rutilant, vaque à ses solennelles occupations devant la porte tambour du luxueux hôtel. Mais une malle à porter jusque dans le hall, la fatigue qui le terrasse alors, le verre de vin qu'il boit pour se restaurer, l'œil du gérant qui surveille la scène vont le condamner à renoncer à son uniforme. Il est alors chargé de s'occuper des lavabos, véritable déchéance à ses yeux, qu'il vit comme un drame, sous la risée de ses voisins...

Vos commentaires et critiques :

Au carrefour de l'expressionnisme et du réalisme, le film présente la virtuosité des dernières œuvres du muet à cette différence près qu'on est en 1924 et que ce film bilan peut aussi être vu comme un film pionnier.Il y a dans Le dernier des hommes, un des très rares films muets à être dépourvus de tout intertitre, la plus formidable concentration d'énergie, de talent et de procédés stylistiques divers mis en œuvre pour exprimer, par le dehors des hommes et des choses, le dedans de l'homme et de la réalité. Les attitudes infiniment variées de Jannings qui pousse à leur paroxysme la plasticité et le don de métamorphose des grands acteurs expressionnistes, l'utilisation de tous les types de cadrages et d'une gamme illimitée de mouvements d'appareils, le recours aux plans subjectifs et oniriques, la prolifération des effets de montage (parallélisme, métaphore, etc.…), la magie abstraite et pourtant terriblement précise des décors, l'importance dramatique et symbolique accordée aux objets servent un thème de caractère intime et universel ; la déchéance d'un homme vue tout à la fois de l'extérieur et de l'intérieur de lui-même.
La thématique du film est loin d'être simple. Car Le dernier des hommes est aussi un film sur la vieillesse, âge de la vie où les illusions du paraître pourraient et devraient s'atténuer, alors que chez le portier de l'hôtel Atlantic, elles culminent. Toute son aventure se limite à l'échange d'une livrée contre une autre, et le contraste entre l'orgueil qu'il tirait de la première et l'humiliation que lui cause la seconde a quelque chose d'aberrant, qui ajoute encore au caractère pitoyable de sa destinée. Murnau sait décrire dans une même vision synthétique l'immense souffrance de son personnage et son aliénation. Celui-ci ne vit en effet que dans le regard d'autrui et, pour établir un lien avec le film précédent de Murnau, Nosferatu, on pourrait dire qu'il est vampirisé par le regard d'autrui.
Pour en exprimer le poids sur la conscience du portier, Murnau a donné à la plupart des personnages qui l'entourent l'allure d'apparitions démoniaques. Elles n'existent - dans la seconde partie- que pour supplicier le héros prisonnier d'un univers urbain tumultueux et complètement coupé de la nature (selon l'un des principes de l'expressionnisme). Le réalisme initial du sujet, des personnages, des situations qui pourrait faire du film un archétype parfait du Kammerspiel, inventé par Carl Mayer, est métamorphosé par l'expressionnisme de la forme et la virtuosité géniale de Murnau.