The Neon Demon -12

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Une jeune fille débarque à Los Angeles. Son rêve est de devenir mannequin. Son ascension fulgurante, sa beauté et sa pureté suscitent jalousies et convoitises. Certaines filles s'inclinent devant elle, d'autres sont prêtes à tout pour lui voler sa beauté.

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FESTIVAL DE CANNES - COMPÉTITION

Le prix de la beauté

Prix de la mise en scène au Festival de Cannes 2011 pour Drive, le réalisateur danois Nicolas Winding Refn y est revenu deux ans plus tard avec Only God Forgives. Il concourt cette année à la Palme d’or avec The Neon Demon, un crypto film de vampires situé dans l’univers de la mode où une jeune femme venue à Los Angeles pour faire carrière comme mannequin devient la victime d’une horde de femelles déchaînées, rôle incarné par Elle Fanning, découverte à l’âge de deux ans dans Sam, je suis Sam de Jessie Nelson (2001). “Cela fait plusieurs années que j’ai envie de faire un film sur la beauté car elle est très présente dans ma vie, explique Nicolas  Winding Refn. J’ai pu observer que la beauté donne aux femmes un certain pouvoir. Sa valeur ne cesse de grimper, elle ne retombe jamais. Et, alors que sa durée de vie se réduit, nous sommes de plus en plus obsédés par elle. Cette obsession peut souvent mener à une forme de folie.” Le compositeur Cliff Martinez, qui a travaillé sur la bande originale du film, a décrit celui-ci comme un mélange de La vallée des poupées de Mark Robson(1967)et de Massacre à la tronçonneuse deTobe Hooper (1974).À noter que ce projet a été évoqué à l’origine sous le titre I Walk With the Dead, avec Carey Mulligan dans le rôle principal.

La cité des anges

Nicolas Winding Refn fait preuve d'une exigence formelle et d'une liberté créatrice qui le rapprochent d'un Kubrick, mais aussi par la puissance de sa vision corrosive. Montrer son film à Cannes pour la première fois, vitrine du cinéma mais aussi du monde de la mode (qu'il connaît très bien pour avoir réalisé des clips pour plusieurs maisons célèbres de haute couture), ne pouvait que provoquer des réactions excessives par cette mise en abîme de la mise en scène de la beauté sur les marches du Palais des Festival. S'il emprunte des codes, une esthétique au film d'épouvante (on pense à Suspiria de Dario Argento), The Neon Demon n'est pas pour autant horrifique, plutôt un brûlot surréaliste sur la beauté, éclairant de la lumière froide du néon la perversion démoniaque du fétichisme qui entoure sa marchandisation. Co-écrit avec deux femmes, dramaturge et romancière, le scénario donne par le piquant des dialogues et la construction des personnages une chair narrative vivante au film (certaines répliques apportent une saveur humoristique toute particulière), et n'en font pas une vision certes brillante mais désincarnée comme l'était Only God Forgives.
La première scène donne le ton, on découvre une jeune femme alanguie sur un canapé aux formes antiquisantes, sa gorge frêle tranchée et dégoulinante de sang sur le sol. Jesse vient de débarquer à Los Angeles pour faire carrière dans la mode et un jeune photographe, débutant lui aussi, fait les photos qui vont permettre à la jeune femme de se présenter aux agences de modèles. Cette mise en scène macabre et sacrificielle correspond tout à fait à l'image caricaturale que lui renvoient les prédateurs qui peuplent la cité des anges, à l'affût des beautés supposées innocentes qui arrivent pleines de rêves dans leurs jolies têtes. Le tenancier du motel pourri où elle prend une chambre a tout du prédateur (joué par un Keanu Reeves génialement inquiétant), elle tombe même un soir dans sa chambre nez à nez avec un couguar rentré par la fenêtre ouverte...
Jesse rencontre lors de la séance photo Ruby, une maquilleuse qui va l'aider à faire son chemin. Elle lui présente Sarah et Gigi, deux modèles, élancées comme des gazelles, peu bavardes, à la posture presque animale, qui jaugent sur pattes celle qu'elles semblent instinctivement percevoir comme leur future concurrente. À leur contact et à celui de la directrice d'agence puis du photographe, Jesse va vite faire sa mue et prendre conscience de la force de ce qu'ils appellent sa « beauté naturelle », le point d'orgue étant la superbe scène où Jack, photographe-star de l'agence, léonin, la choisit comme modèle et la façonne littéralement durant la prise de vue, tel un Pygmalion fétichiste imprimant sa marque à une chair passive au point d’être dénuée de conscience. Car comme le disent Sarah et Gigi après avoir détaillé tout ce qu'elles ont du refaire de leur corps pour être dans la course : « on préfère toujours la chair fraîche au lait caillé ».
Jesse va apprendre les règles de ce milieu contre-nature où les proies effarouchées ne sont finalement pas celles qu'on croit et doivent se faire prédatrices pour survivre...