La Belle et la meute -12

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Lors d'une fête étudiante, Mariam, jeune Tunisienne, croise le regard de Youssef. Quelques heures plus tard, Mariam erre dans la rue en état de choc. Commence pour elle une longue nuit durant laquelle elle va devoir lutter pour le respect de ses droits et de sa dignité. Mais comment peut-on obtenir justice quand celle-ci se trouve du côté des bourreaux ?

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CANNES 2017: UN CERTAIN REGARD

Viol et châtiment

La cinéaste tunisienne Kaouther Ben Hania a signé le documentaire Les imams vont à l’école (2010) et les courts métrages Peau de colle et Yed Ellouh (2013), avant de signer son premier long, Le challat de Tunis (2013), montré à l’Acid en 2014, qui lui a valu notamment le prix de la critique au festival d’Amiens et le Trophée francophone du cinéma, puis Zaineb n’aime pas la neige (2016), présenté hors compétition à Locarno, primé au Cinemed de Montpellier et Tanit d’or au festival de Carthage. La belle et la meute, retenu par La fabrique des Cinémas du monde à cannes en 2015 et soutenu par le Fonds Hubert Bals, s’impose comme un vibrant plaidoyer pour la libération de la femme dans une société machiste, à travers la rencontre dans une boîte de nuit d’une étudiante avec un inconnu qui va faire basculer sa vie, mais contre lequel elle va se rebeller. Une tragédie composée de neuf plans séquences.

La Belle et la meute… Beau titre intrigant qui résonne comme celui d’un conte fantastique, atemporel, alors que le récit va s’ancrer dans la société tunisienne contemporaine. À se demander à quelle sauce on va se faire manger…
Tout débute dans une fête étudiante des plus classiques. Mariam et ses amies laissent tomber voiles et foulards, minaudent, rigolent, se taquinent. Toutes bien parties pour profiter joyeusement de ces instants de liberté, loin du regard des parents ou du foyer de jeunes filles. Elles se fardent, s’embaument, pulpeuses, transformées sans l’intervention de la fée clochette en véritables femmes. Mariam, avec ses vingt et un printemps timides, opte pour la tenue la plus sobre, la plus sage de toutes… Mais hop ! Un incident vestimentaire malencontreux et voilà qu’une de ses meilleures amies la relooke en véritable vamp. Notre donzelle, toute gênée, aimerait rendre ses formes plus discrètes, mais rien à faire : elle a beau le tirer en tous sens, impossible d’avoir le dessus sur le maudit tissu bleu électrique de la robe moulante qu’on lui prête. Elle finit donc par abdiquer. D’autant que ses copines l’encouragent à assumer sa poitrine généreuse et la couvrent de compliments. Un petit selfie ? La voilà qui s’enhardit, se lance dans la danse ingénument. La musique aidant, rien ne peut plus emprisonner cette joie de vivre, cette énergie qui émanent d’elle.
Ce n’est que plaisir pour les yeux de voir se trémousser cette Betty Boop atypique, jolie comme un cœur à prendre, avec ses airs de femme-enfant insaisissable, entre innocence et assurance. Pas étonnant que Youssef, un beau brun forcément ténébreux, la croque du regard, sans en avoir l’air bien sûr ! Une bonne âme les colle dans les pattes l’un de l’autre. Cela pourrait se poursuivre tout simplement en balade romantique au bord de la plage, ce serait le début d’une amourette… Si seulement la nuit n’était pas immense et peuplée de dangers inattendus, même au cœur de cette ville tranquille quelque part au bord de la Méditerranée.
Un ange passe… à moins que ce ne soit un démon. Le plan suivant on retrouve Mariam terrorisée, rouge à lèvre à moitié effacé, devenue incontrôlable, comme folle. Avec Youssef on suit son errance désorientée, on tente d’imaginer ce qui s’est produit dans cette ellipse du scénario. Se serait-on trompé sur ce charmant garçon qui semble pourtant essayer de la calmer ? Se seraient-ils disputés ? La mignonne ne ferait-elle pas partie de ces créatures excessives, hystérico-sentimentales, en proie à leurs hormones ? Mais ce serait oublier que l’on n’a pas encore aperçu la fameuse meute du titre, pas même le bout d’une queue. 
La suite ? C’est une plongée kafkaïenne dans les méandres d’une administration où un machisme corporatiste règne au dessus de toutes les lois. Mariam a été violée et c’est auprès de ses bourreaux qu’elle va devoir porter plainte. Combat inégal, digne de la chèvre de Monsieur Seguin. Engloutis avec Mariam dans les entrailles d’une nuit cauchemardesque et interminable, on va frémir, avoir peur, s’émouvoir, se révolter. Oscillant perpétuellement entre l’envie de crier à la frêle petite « Tiens bon ! » ou « À quoi bon ? ».
C’est prenant comme un film à suspense. Si la terrible aventure de Mariam est tirée d’une histoire vraie, la réalisatrice a su prendre la distance nécessaire pour ne pas sombrer dans la facilité, enfoncer les portes déjà ouvertes. Elle nous offre sur un plateau une réalité crue qui se vit comme un thriller mais qui est avant tout une magnifique ode au courage qu’on n’oubliera pas de si tôt, pas plus que le jeu impressionnant de la jeune actrice qui interprète l’héroïne.