El Clan -12

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Dans l'Argentine du début des années quatre-vingt, un clan machiavélique, auteur de kidnappings et de meurtres, vit dans un quartier tranquille de Buenos Aires sous l'apparence d'une famille ordinaire.
Arquímedes, le patriarche, dirige et planifie les opérations.Il contraint Alejandro, son fils aîné et star du rugby, à lui fournir des candidats au kidnapping.
Alejandro évolue au prestigieux club LE CASI et dans la mythique équipe nationale, LOS PUMAS. Il est ainsi, par sa popularité, protégé de tous soupçons.

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Affaire de famille

C'est tout autant un thriller palpitant qu'un conte cruel et terrible qui met en scène une famille apparemment modèle, pour qui les frontières entre le bien et le mal ont disparu dans un contexte historique bien particulier. El Clan raconte un fait divers bien réel, qui défraya la chronique au milieu des années 1980 dans l'Argentine fraichement sortie de l'abominable dictature des généraux. C'est l'histoire de la famille ou plutôt du clan Puccio, des gens bien sous tous rapports qui ont organisé consciencieusement l'enlèvement crapuleux, la séquestration et l'assassinat de plusieurs personnes, hommes d'affaires, jeunes gens de la bonne société, seulement coupables d'avoir une famille ou des proches susceptibles de pouvoir payer de bonnes rançons. Comment aurait-on pu soupçonner la respectable famille Puccio ? Elle habitait un des quartiers résidentiels les plus tranquilles de Buenos Aires. Le père, après avoir collaboré aux services de renseignement de l'Etat sous la dictature, était propriétaire d'une charcuterie-rôtisserie. Le fils était connu nationalement puisque jeune rugbyman espoir de la célèbre équipe nationale des Pumas qui venait de défaire les invincibles All Blacks. Il y avait également la mère, un fils plus jeune et deux filles. Qui aurait pu s'imaginer que ce foyer couvrait les cris de malheureuses victimes kidnappées puis séquestrées dans les combles ou au sous-sol ? El Clan prend donc la forme et le rythme d'un thriller – on pense plus d'une fois à Scorsese, notamment dans l'utilisation de musiques pop contrastant avec des scènes angoissantes ou violentes – pour décrire avec une lucidité sans pitié la société argentine à un moment charnière, une sorte de zone grise où elle va connaître la fin de la dictature et le retour à la démocratie. Le film impressionne avant tout par ce qu'il faut bien appeler le charisme de son « anti-héros », Arquímedes, le père de famille, incarné à contre-emploi par Guillermo Francella, connu dans son pays pour des rôles comiques. A la fois désespérément calme, le regard bleu azur, froid et distant, le patriarche, sans être nullement impressionnant physiquement, est capable d'accès de violence inouïs et imprévisibles. Le film se déroule entre 1982 et 1985, un peu avant et un peu après la chute des généraux. Il s'ouvre d'ailleurs sur une archive télévisuelle montrant un officiel qui déclare que la période des disparitions de personnes est révolue. Arquímedes Puccio était un ancien paramilitaire d’extrême droite avant l’avènement des généraux et devint un des agents dormants du régime sous la dictature. Pour nombre de ces barbouzes, la frontière entre répression officielle et crimes crapuleux devint rapidement ténue, si bien qu'à la chute des généraux, le basculement vers le banditisme fut tout à fait naturel. Dans ce climat délétère, l'acceptation d'une telle situation au sein de la famille, entre complicité active pour certains et déni pour d'autres, semble irréelle mais pourtant logique : la dictature avait généré des monstres qui pouvaient se manifester au sein de chaque foyer. Dans la continuité de Pablo Larraín avec El Club ou de Patricio Guzmán avec Le Bouton de nacre, le cinéma sud-américain nous rappelle que les fantômes du passé ne sont jamais très loin, en Argentine comme au Chili, et toujours prêts à montrer leurs tristes figures.