Les Passagers de la nuit

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Paris, années 80. Elisabeth vient d’être quittée par son mari et doit assurer le quotidien de ses deux adolescents, Matthias et Judith. Elle trouve un emploi dans une émission de radio de nuit, où elle fait la connaissance de Talulah, jeune fille désœuvrée qu’elle prend sous son aile. Talulah découvre la chaleur d’un foyer et Matthias la possibilité d’un premier amour, tandis qu’Elisabeth invente son chemin, pour la première fois peut-être. Tous s’aiment, se débattent... leur vie recommencée ?

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Nous sommes en mai 1981 et une effervescence palpable remplit nombre de cœurs d’espérance… Par petites touches sensibles et formidablement justes, Mikhaël Hers nous (re)plonge sensuellement dans toute une époque, sa consistance. Délicatement, il maîtrise à la perfection ses effets, ne laisse rien au hasard. Le grain du film, ses décors, son ambiance sonore, tous ces détails intimes, que l’on devine parfois plus qu’ils ne se montrent, nous immergent totalement dans les années 80 morcelées entre tant de styles opposés, en décadence ou en émergence, disco, punk, funk, musiques dites de variété, chansons à textes et j’en passe… qui font oublier l’actualité brûlante bien que lointaine des guerres, celle des Malouines, celle entre l’Iran et l’Irak, celle du Liban… les catastrophes de Bhopal, Tchernobyl… Et puis l’avènement d’un certain petit virus qui monte qui monte et va décimer les beaux restes des années sex, drugs & rock’n’roll.
Dans sa tour qui surplombe le rutilant quinzième arrondissement de Paris, la discrète Élisabeth (incroyable, irradiante Charlotte Gainsbourg !) semble planer au-dessus de tout ça. On la découvre secouée de sanglots silencieux, se souciant peu de son ego, de son image. Mais nul pathos là dedans, pas plus que de nostalgie. L’histoire est des plus banales : son mari l’a quittée et elle se retrouve plantée là, entre deux grands enfants presque adultes et quatre murs d’un appartement élégant. Immuablement à sa place, comme elle l’a toujours été, sans regrets exubérants et sans se demander ce qu’elle aurait pu faire d’autre de son existence, ni d’ailleurs que son entourage ne se pose la question. La première réaction étonnée de tous, quand elle manifestera son désir de trouver un travail, confinera à la raillerie. Mais bientôt chacun se reprendra face à une situation pas si simple : un bas de laine qui s’amenuise, l’homme qui fut celui d’une vie et qui ne répond plus aux appels. Tout cela élégamment évoqué en filigrane, l’essentiel restant l’atmosphère de ces temps bénis où la radio, dans un élan d’empathie, laissait aux auditeurs la place d’exister, quand des voix enfumées savaient écouter celle des sans-sommeil, des sans-nom, des esseulés de la vie… À force de les écouter, Élisabeth s’enhardira à faire un pas intimidé vers la maison de la radio près de chez elle et plus spécialement à aller rencontrer Vanda Dorval (Emmanuelle Béart), qui va l’embaucher comme assistante.
Il est doux de se rappeler que les premières fois ne sont pas l’exclusivité de l’adolescence. Celles d’Élisabeth, qui cherche à rebondir, font écho à celles de ces propres enfants, qui aspirent à prendre leur envol. Histoires parallèles d’éducation sentimentale et d’émancipation…
Cette saga familiale sans heurts et sans reproches, qui captive grâce à la maestria du réalisateur et à celle des acteurs, va être doucement bouleversée par l’arrivée d’une passagère de la nuit aux grands yeux de fausse innocence, Talulha (Noé Abita, qui une fois de plus transperce l’écran)… Un hymne gracieux à la bienveillance, d’un charme fou, aussi beau qu’un couplet d’Anne Sylvestre : « J’aime les gens qui doutent… j’aime les gens qui tremblent… »