Au nom du Pape Roi

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Rome, 1867. La ville est en effervescence : le mouvement libéral conteste le pouvoir temporel du Pape. Le gouvernement civil de l'Église est aux abois depuis que Garibaldi et ses troupes font route vers la cité. En octobre 1867, Rome est bouleversée par un attentat contre la caserne Serristori : 23 zouaves pontificaux français perdent la vie dans l'explosion. Trois jeunes révolutionnaires, Giuseppe Monti, Gaetano Tognetti et Cesare Costa, sont arrêtés et accusés du massacre. La comtesse Flaminia, mère secrète de Cesare Costa, s'adresse à un juge du Tribunal du Sacré Collège, le cardinal Colombo da Priverno, pour lui demander de l'aide. Pour convaincre le prélat d'intervenir, elle lui révèle qu'il est le père de l'accusé à la suite d'un bref moment d'égarement dix-neuf ans plus tôt, à l'époque de l'éphémère République romaine. Le cardinal qui, dégoûté par l'évolution de l'Église, prépare une lettre de démission, réussit à faire libérer le jeune homme et le cache chez lui avec sa fiancée, Teresa...

Vos commentaires et critiques :

Au nom de Dieu

En 1867, dans une Rome en pleine effervescence, les armées du Vatican se comportent de façon bien peu chrétienne, traquent les petits « terroristes » (ou patriotes selon le point de vue depuis lequel on se place) qui réclament l'unification de l'Italie en un seul état laïque et viennent de faire sauter avec succès la caserne Serristori, tuant une vingtaine de zouaves pontificaux… vous savez : ceux qui ont ces formidables culottes bouffantes et un joli chapeau.

C'est furieusement actuel mais délicieusement romanesque, car si on se bat pour un idéal, ça n'empêche pas l'amour (sous toutes ses formes). Luigi Magni, grand passionné de l'histoire du XIXe siècle, mais aussi de celle en train de s'écrire, fait un parallèle évident entre la situation politique explosive qui aboutit à la conquête de la ville pontificale par les Piémontais et les événements qui secouent l'Italie au moment où il tourne le film… Mais trente-cinq ans plus tard, le plus étonnant est que le film trouve toujours un écho dans les événements et les débats qui agitent notre propre actualité ici et ailleurs. Ce que Magni dit alors à propos de l'église pourrait d'ailleurs se rapporter à toutes les religions : « Je n'ai rien contre l'Église… j'aime la liturgie, le chant grégorien, les fêtes absurdes et macabres, les vêtements sacerdotaux, l'encens, le baroque… Cependant je suis l'ennemi impitoyable de tout cela quand cela contamine ma vie de citoyen, et comme pour nous, Italiens, l'Église a signifié un retard séculaire par rapport aux autres Pays européens… alors, voilà, je n'aime pas ce type d'église, surtout l'Église politique. »

C'est un vrai bonheur de retrouver Nino Manfredi en cardinal et juge du Tribunal du Sacré Collège, écœuré par son Église, au bord d'une démission qu'il va retarder à plusieurs reprises pour tenter de sauver de l'exécution capitale une poignée d'adolescents tandis que son serviteur fidèle et omniprésent s'inquiète de sa santé, que le fossé se creuse entre lui et ses supérieurs hiérarchiques, et que la comtesse Flaminia, mère clandestine d'un des jeunes trublions, lui rappelle qu'un soir d'orage, entre la belle comtessa et le futur cardinal Colombo da Priverno…

Manfredi, peut-être le plus anticlérical des grands acteurs du cinéma italien, était sans nul doute le mieux à même de servir ce qui est sans doute le chef d'œuvre de Luigi Magni : il sait ménager ses effets, rester subtil même dans l'humour, plus retors encore que le chef des Jésuites, le pape noir lui-même (Salvo Randone), avec qui les échanges sont particulièrement savoureux et qui reste néanmoins humain, définitivement humain.

Un film flamboyant, émouvant, d'une ironie féroce