Love & Friendship TP

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Angleterre, fin du XVIIIème siècle : Lady Susan Vernon est une jeune veuve dont la beauté et le pouvoir de séduction font frémir la haute société. Sa réputation et sa situation financière se dégradant, elle se met en quête de riches époux, pour elle et sa fille adolescente. Épaulée dans ses intrigues par sa meilleure amie Alicia, une Américaine en exil, Lady Susan Vernon devra déployer des trésors d'ingéniosité et de duplicité pour parvenir à ses fins, en ménageant deux prétendants : le charmant Reginald et Sir James Martin, un aristocrate fortuné mais prodigieusement stupide…

Vos commentaires et critiques :

Orgueil sans préjugés

Les amateurs de Jane Austen seront peut-être un peu décontenancés par ce film sulfureux et jubilatoire. On connait et on admire cette figure tutélaire de la littérature britannique, prématurément disparue à l'aube de la quarantaine, qui, en quelques livres emblématiques, a imposé son style fait d'humour brillant et de satire sociale élégante, jamais excessive, croquant avec saveur ses contemporains et notamment les femmes de la gentry ou de l'aristocratie soucieuses d'assurer leur rang envers et souvent contre leurs sentiments. Jusqu'ici, Jane Austen au cinéma, c'était du classique cousu main : Orgueil et préjugés de Robert Z Léonard puis de Joe Wright, Raison et sentiments d'Ang Lee… Le beaucoup moins classique Whit Stillman est allé chercher un court roman épistolaire de jeunesse, Lady Susan, œuvre d'une liberté de ton décapante, étonnant portrait d'une femme forte et manipulatrice, parfaitement dénuée de scrupules, prête à tout pour tenir le haut du pavé dans un monde fait par et pour les hommes dans lequel la femme doit se contenter d'être mère et épouse soumise, et accepter de perdre tous ses droits à partir du moment où elle se retrouve seule. Un petit roman qui fit d'autant plus sensation que, probablement écrit en 1794 – Jane Austen n'avait même pas vingt ans –, il ne fut publié qu'en 1871, en pleine Angleterre victorienne, pudibonde à l'extrême.
Au cœur de l'intrigue, Lady Susan Vernon, jeune veuve dans une situation financière délicate, mère d'une fille de seize ans qui l'indiffère, en quête d'un point de chute confortable et prête à intriguer jusqu'au bout pour arriver à ses fins. Elle est accompagnée dans ses aventures par sa confidente, Alicia Johnson, une jeune Américaine qui craint plus que tout le retour vers sa rustre terre natale. Lady Susan a de toute évidence séduit le pourtant marié Lord Manwaring et, pour éviter le scandale, doit se réfugier chez sa belle-sœur Catherine dont elle ne va pas tarder à « allumer » le jeune frère, le joli Reginald. Dans le même temps, Sir James Martin, aristocrate stupide mais riche, attend en embuscade pour courtiser les Vernon mère et fille…
Love & friendship est une satire impitoyable et délicieuse, une comédie implacable où les pères et les mères la morale sont les dindons de la farce, dépassés par les entreprises pleines de malice d'un duo de femmes entreprenantes. Le plus réjouissant, c'est que, malgré l'amoralité de leur démarche (Susan utilise quand même le destin de sa propre fille adolescente dans son unique intérêt), on ne peut qu'avoir de l'empathie pour elles et en particulier pour cette redoutable et très drôle Lady Vernon, alter ego féminine du vicomte de Valmont dans Les Liaisons Dangereuses.
Paradoxe également réjouissant, c'est Whit Stillman, cinéaste éminemment new yorkais, qui se révèle l'homme de la situation pour réussir à la perfection ce film so british, entrelacs d'intrigues aux dialogues littéraires et à l'humour féroce. Un film drôle, acide, plastiquement très beau, qui restitue magnifiquement l'architecture des petits châteaux du XVIIIe siècle disséminés dans la région de Dublin où a eu lieu le tournage, un petit bijou merveilleusement ciselé et interprété, mention spéciale au duo Kate Beckinsale – Chloé Sevigny.