Les Garçons et Guillaume, à table ! TP

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Le premier souvenir que j'ai de ma mère c'est quand j'avais quatre ou cinq ans. Elle nous appelle, mes deux frères et moi, pour le dîner en disant : "Les garçons et Guillaume, à table !" et la dernière fois que je lui ai parlé au téléphone, elle raccroche en me disant : "Je t'embrasse ma chérie" ; eh bien disons qu'entre ces deux phrases, il y a quelques malentendus.

Vos commentaires et critiques :

Voilà encore une curieuse énigme : est-ce parce qu'il n'y a rien d'autre à se mettre sous la dent que les critiques françaises sont si dithyrambiques à propos de cette comédie ?

"Les garçons et Guillaume, à table !" est ce que l'on pourrait appeler une longue ode à Guillaume Gallienne, qui à défaut d'avoir pu trouver ses réponses sur le divan d'un psychiatre, s'est senti obligé d'exposer ses névroses dans un film sans saveur. "J'ai dépensé des sommes affolantes en thérapie et j'aimerais bien qu'on me rembourse" raconte-t-il à qui veut l'entendre dans sa tournée promotionnelle des médias. On aimerait nous aussi pouvoir être remboursé des 11,40€ déboursés...

Le film s'ouvre sur l'entrée en scène du comédien et annonce la mise en place d'un dispositif qui viendra jalonner les temps forts du film, à savoir un aller-retour incessant entre la pièce jouée au théâtre et le film à proprement dit. Un début somme toute très convenu pour démarrer (on aurait presque pu entendre les trois coups frappés au théâtre...), avec renfort de musique, d'effets de lumière et de gros plans sur les yeux à la manière d'un clip à la gloire de Galienne (notons plus tard, le retour de ce gros plan où les larmes viennent à poindre dans les yeux du comédien, souligné, archi souligné...). Puis on rentre dans le souvenir de la vie de Guillaume, par le biais d'un séjour en Espagne, dans une de ses villes à touristes sans charme, où un évènement viendra révéler au jeune Guillaume (et par là même servir d'introduction au spectateur, afin qu'il comprenne bien la problématique du film qu'il est venu voir), qu'il affiche tous les comportements propres à une femme. Hop, hop, le film est véritablement lancé, c'est parti pour le récit autobiographique dans lequel Guillaume, d'abord convaincu qu'il est une femme par la faute de sa mère, va ensuite s'acharner à comprendre s'il est bien homosexuel ou non, pour finalement s'affranchir des pressions maternelles et trouver l'amuuuur.

Sur le papier, le film a de quoi séduire, avec semble-t-il, une vraie réflexion sur le genre originale puisqu'une fois n'est pas coutume, c'est ici quelqu'un que tout le monde pensait homosexuel qui s'avère ne pas l'être. Comment un enfant peut répondre aux schémas très normés que ses parents peuvent placer en lui, quels codes adopte-t-il pour trouver son identité à travers un miroir erroné qu'on lui tend depuis sa naissance ? Enfin, pourquoi cette mère, si charismatique, a-t-elle placé en Guillaume, l'envie d'avoir une fille ?

Autant de questions qui ne trouvent aucune réponse dans le film. Guillaume Gallienne est certes, extrêmement habile à imiter sa mère ainsi que les personnages imaginaires de ses histoires (excellent moment où le petit Guillaume imite la princesse Sissi) mais peine à trouver une vrai crédibilité en tant que lui-même, jouant son propre rôle. Reprenant le principe déjà vu dans le film de Noémie Lovsky, où l'enfant est interprété par l'adulte, Guillaume s'emploi à retranscrire les évènements qui ont marqué son avancée dans la recherche de sa réelle identité, dans un humour très fabriqué et artificiel, sur un lit de mièvrerie, très discrète au départ, puis complètement assumée sur la fin. Les situations comiques ont souvent la saveur du déjà-vu (le masseur étranger balaise, le baiser envoyé au mauvais destinataire...), jouent pour la plupart sur le ressort assez facile du constraste (le personnage principal est persuadé d'aller se faire masser par une charmante jeune femme MAIS en fait surprise, il est ici pour un lavement...), puisent leur inspiration dans une veine très pipi-caca (l'oreiller à l'odeur de pets...) ou reposent sur des situations extrêmement clichées (les homos représentés uniquement à travers la boîte gay, les trois mâles en quête de sexe...).

Le spectateur est également pris pour un âne, puisqu'heureusement pour lui, Guillaume Gallienne lui explique le moindre retournement de situation, la moindre pensée, à l'aide des scènes de théâtre qui viennent étouffer dans l'oeuf la moindre once de poésie et de subtilité que pouvaient comporter certaines scènes. Pour exemple, cette jolie séquence où le personnage entend son amie appeler "Les filles et Guillaume, à table", tuée par l'explication lourdingue et répétitive du théâtre, qui nous dit que "oui, ça y est, enfin, allelujah, hourra, génial, Guillaume a compris que cette phrase si anodine, avait en réalité à ce moment précis, l'effet d'une bombe"... Toute la subtilité de cette réplique est tuée à l'instant même où son mécanisme nous est expliqué. Quel dommage !

Que dire de cette fin, longue et grossière, où enfin Gallienne révèle le réel enjeu de son film, si ce n'est un hommage à sa mère. Tout le second degré dont faisait preuve le comédien est ici abandonné au profit d'une séquence larmoyante interminable, où la vraie / fausse mère de Guillaume est présente dans la salle et assiste à une déclaration d'amour avec violons de la part de son rejeton, qui finalement, ne lui en veut pas, ben oui car sans elle, que serait-il aujourd'hui ? Et c'est bien là que le bât blesse, car qui est cette mère dont on nous singe les mimiques et dont on nous montre qu'elle semble prisonnière de son propre rôle, pas vraiment heureuse dans sa vie ? Gallienne ne se pose malheureusement pas la question et dresse un portrait caricatural d'une femme et d'un personnage qui aurait pu avoir autre chose à dire et à révéler sur son désir d'enfant contrarié. Le véritable hommage eût été de comprendre davantage ce qui se cachait derrière les convenances de la mère, derrière un dispositif si gros que toute la famille semblait accepter le fait que Guillaume ne soit ni une fille, ni vraiment un garçon.

 Au lieu de ça Gallienne se vautre dans ses propres désirs : parler de lui et se montrer (tantôt touchant, tantôt plus dur, afin qu'on ne puisse invoquer le nombrilisme car oui mais c'est bien sûr, il sait se rendre si ridicule qu'il ne pourrait s'aimer à ce point...). Avec la finesse qu'on lui connait, il est d'ailleurs à parier que le bonhomme est tout à fait conscient de ce qu'il propose et le problème est bien là : avoir la sensation désagréable de s'être retrouvé piégé par ce qui revêtirait les atours d'une comédie populaire, pour en réalité, ne se révéler être qu'un interminable épanchement narcissique.


Sociétaire de la Comédie Française depuis maintenant 15 ans, Guillaume Gallienne est un acteur qui a fait du chemin pour nous faire parvenir aujourd'hui son premier long-métrage. Intitulé Les Garçons et Guillaume à Table, ce film est une adaptation de la pièce de théâtre éponyme déjà écrite à l'origine par Guillaume Galienne. Comptant son enfance, mais plus particulièrement la relation fusionnelle qu'il entretenait avec sa mère, cette pièce de théâtre est maintenant un film à succès et quel film. Jouant à la fois sur le trait de la comédie subtile, mais également sur le trait du drame intimiste pouvant toucher un grand nombre de personnes, ce premier film en tant que réalisateur est une belle réussite. Vendu comme étant une formidable comédie française, il faut mettre les points sur les "i" et dire avant tout que ce film n'est pas une comédie loufoque ou burlesque dans la veine des pastiches que Gallienne avait pu réalisée sur Canal+ il y a de ça quelques années. Souhaitant raconté sa vie tout en la fictionnant pour lui donner un attrait moral et naturel, le metteur en scène a choisi le drame intimiste pour mettre en avant la relation qu'il entretenait plus jeune avec sa mère. Plus que fusionnelle, cette relation ne permettait pas au personnage de s'ouvrir au monde et de devenir un homme à part entière. À cause de cela, il ne pouvait s'émanciper et devenir un homme parmi tant d'autres. C'est cela qui nous est raconté dans ce film durant un peu plus d'une heure trente.

 

Jamais redondant, le film réussit à transporter le spectateur sans que ce dernier puisse s'ennuyer grâce à un scénario qui possède deux couches bien distinctes. Alors que la première couche est dédiée à l'histoire de Guillaume Gallienne, la seconde offre au spectateur une immersion dans sa propre vie. Tout en s'identifiant au personnage principal, le spectateur se remémore les temps passés en famille et plus particulièrement la relation avec sa mère. On est en droit de se demander si les choix effectués par nos mères respectives sont les bons choix pour notre émancipation dans la vie de tous les jours. Sans forcément avoir à se remettre en question, l'immersion dans la vie de Guillaume Gallienne permet au spectateur de faire quelques pas en arrière dans sa propre vie. Cette immersion et prise de possession du film le rend plus touchant. Bien écrit, le scénario réussit à donner du cœur à son propos et à ses personnages grâce à des dialogues qui sont fins et savoureux. C'est en utilisant les caricatures de chaque thème abordé (homosexualité, mère autoritaire...) que le scénariste permet aux personnages de prendre vie et de donner vie aux émotions introduites par le scénario de manière générale. Très touchant, le film ne sombre jamais dans le pathos grâce à une belle maîtrise du sens de la comédie. Aussi subtile que l'humour l'anglais, l'humour de ce film fait sourire sans jamais porter au fou rire grâce aux dialogues, mais surtout aux comédiens.

 

Naturels dans leurs réactions et dans leurs manières de faire ressortir les différentes émotions, le casting du film est particulièrement bon porté par un Guillaume Gallienne qui est touchant, attachant et drôle. Il s'amuse avec sa vie et se permet quelques folies comme le fait d'interpréter sa mère. Légèrement anodin, ce procédé permet au scénario de prendre une tout autre dimension et de faire comprendre aisément au spectateur que la relation entre le fils et sa mère est tellement fusionnelle qu'ils ne fassent qu'un. Bien évidemment, le scénario va plus loin dans cette réflexion pour notre plus grand bonheur. Le tout est porté par une bande-sonore très éclectique, mais dont les morceaux sont judicieusement choisis. Alors que certains morceaux sont assez lents afin de mettre en avant le côté émotionnel du film où même les dialogues, d'autres sont bien rythmés et dynamitent les scènes. Un premier film très réussi, qui nous prouve que le cinéma français en a toujours sous le pied même avec de nouveaux réalisateurs qui savent ce qu'ils font et qui peuvent même s'offrir de petits plaisirs dans leurs films (travelling qui suit un personnage de dos) afin qu'ils soient personnels, mais intemporels.


Tip Top

On ne naît pas Guillaume Gallienne, on le devient. Autrement dit par lui-même, sourire aux lèvres : « Comment je suis devenu un acteur en devenant ma mère pour réussir à devenir moi ». Des années d'étude, d'attention, d'observation admirative d'une femme, de la femme, de cette femme, de cette mère magnétique, hypnotique, pur produit du gratin de l'aristocratie slave. Autoritaire, incontestable, incontournable, pas piquée des vers ! De celles qui donnent l'impression exaspérante de tout maîtriser et auxquelles il est inutile de s'opposer. Alors, pourquoi lutter ? Regardez ce garçonnet policé aux bouclettes rebelles qui boit les mots, les gestes de sa génitrice, l'adule, l'imite, tente de se fondre en elle, jusqu'à ne plus savoir ce qu'il veut, qui il est, s'il est…

Plus il grandit, plus le mimétisme devient absolu, jusqu'à s'y perdre et s'y méprendre. Même son père ne sait plus distinguer la voix de la mère de celle du fils. On suit les pérégrinations drolatiques du pauvre Guillaume, presque étonné de ne pas voir ses seins pousser alors que son entourage est persuadé qu'il est gay. Nous voilà plongés, en empathie totale, dans une épopée intime à peine imaginable : dans la peau de Guillaume Gallienne. Ridicule quand il s'agit de s'essayer aux sports, peu crédible quand il tâche d'être viril, incomplet quand il feint d'être une demoiselle… Car les filles, ne les aime-t-il pas ? Course-poursuite effrénée après un hypothétique graal qui n'est autre que lui-même enfoui sous tant d'années à solliciter le regard maternel. Le voilà qui taquine, grattouille sous les aisselles un système étouffant pour le remettre en place. Si la critique est aisée, il a su merveilleusement la transformer en un art joyeux qui sait percevoir, au-delà des apparences féroces, une forme de tendresse inavouée. De ce gamin docile qui se fondit dans les traits d'une fille pour se distinguer aux yeux de celle qu'il aimait, est sorti un acteur caméléon, magnétique, qui donne vie à ses personnages. On le voit passer avec bonheur par tous les âges, tous les sexes, sans que jamais il perde en crédibilité. On sait qu'il interprète les deux rôles principaux (lui et sa mère), et pourtant on est complètement bluffé.

Une heure et demie de franche rigolade en sa compagnie ! Car de son parcours personnel, de cette sorte de coming-out inversé, Guillaume Gallienne n'a pas fait un psychodrame narcissique torturé mais il l'a transcendé en une œuvre hilarante, d'une élégance rare, qui nous ramène à nos propres représentations, nos propres histoires familiales –même si la sienne est gratinée et fusionnelle avec une mère pas croyable ! Merci maman Gallienne d'avoir pondu ce fiston épastrouillant.