Les Grandes ondes (à l'ouest) TP

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Avril 1974. Deux journalistes de la radio sont envoyés au Portugal pour réaliser un reportage sur l'entraide suisse dans ce pays. Bob, technicien proche de la retraite, les accompagne à bord de son fidèle combi VW. Mais sur place, rien ne se passe comme prévu : la tension est à son comble entre Julie, la féministe, et Cauvin le reporter de guerre roublard. La bonne volonté de Pelé, le jeune traducteur portugais, n'y fait rien : la petite équipe déclare forfait. Mais le vent de l'Histoire pousse le Combi VW en plein cœur de la Révolution des OEillets, obligeant cette équipe de Pieds nickelés à prendre part, et corps, à cette folle nuit du 24 avril 1974.

Vos commentaires et critiques :

Cinéma, sexe et révolution…

Les Grandes ondes, c'est l'histoire d'une petite équipe de la radio suisse romande qui part enquêter sur les magnifiques réalisations qu'a permises l'aide de la valeureuse Confédération Helvétique dans le Portugal du dictateur Salazar (nous sommes en 1974)… ça a de quoi laisser coi. Interdits ou pour le moins circonspects. Sauf qu'il faut immédiatement ajouter que le périple va se révéler très drôle, d'un humour décalé, en creux, parfaitement original et réjouissant. Déjà les deux reporters chargés de cette mission de la plus haute importance informative et diplomatique forment un superbe binôme de bras cassés, de ceux qui ont toujours fait le bonheur de la comédie: d'un côté Julie, jeune animatrice pétrie de féminisme radical en même temps que maîtresse du directeur (marié) des programmes qui lui a promis une émission rien que pour elle à la rentrée, c'est la pétulante Valérie Donzelli ; de l'autre Cauvin, un vieux de la vieille du grand reportage radio tel qu'on peut le cauchemarder, gilet de toile avec plein de poches comme une deuxième peau, toujours une petite remarque machiste ou une anecdote de vieux briscard à balancer à la gent féminine dont il est le seul à croire qu'il a un ascendant sur elle, c'est le grand et génial moustachu dégingandé Michel Vuillermoz. Ils seront secondés par l'indispensable Bob, ingénieur du son à l'ancienne, aussi compétent que flegmatique, et conducteur d'un impeccable Combi VW qui va faire fantasmer tous les amateurs de ce véhicule culte.

Voilà donc notre trio en route pour un reportage au long cours à travers le Portugal profond et endormi, un road trip de plus en plus dérisoire au fur et à mesure que les réalisations lusitaniennes de l'Etat suisse s'avèrent introuvables, abandonnées ou totalement inutiles, tout le talent des radio-reporters étant alors de meubler, de masquer le vide, de parler et faire parler pour ne rien dire… Mais encore une fois il y a un sauf que… Sauf que, rappelez-vous, nous sommes en 1974, et plus précisément au printemps 1974 et c'est le moment précis où le Portugal s'éveille pour une révolution joyeuse associée à jamais à ces jolies fleurs que sont les œillets. Et les aventuriers de la radio suisse perdue vont avoir au bout de leur micro le reportage de leur vie. À condition qu'ils le tendent dans la bonne direction, leur micro…

Le film de Lionel Baier sait parfaitement faire coexister le registre franchement comique (les tentatives pathétiques de Cauvin pour parler portugais entre autres), le vent de liberté (notamment sexuelle) qui commence à souffler sur le Portugal de l'époque et donc sur les personnages, aussi Suisses soient-ils (pour rester soft on va dire que l'effervescence de la révolution s'accompagnera de l'effervescence des corps), et une poésie burlesque teintée de mélancolie (on est quand même au pays du fado, cette merveilleuse musique qui vous fait pleurer au bout de trois notes). Une mélancolie qui s'incarne tout particulièrement dans le personnage de Cauvin, aussi drôle de touchant car il sait la fin de sa carrière proche, mais aussi dans celui du jeune interprète francophile qui rêve d'aller en France pour rencontrer Marcel Pagnol… Lionel Baier réussit brillamment cette comédie douce amère qui s'avère une lettre d'amour adressée aussi bien à la radio telle qu'on ne la pratique quasiment plus, avec notamment le soin qu'elle sait apporter au travail sonore, qu'au peuple portugais et à sa révolution quarantenaire.