Eka & Natia, chronique d'une jeunesse géorgienne

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Inséparables, Eka et Natia vivent à Tbilissi, en Géorgie, au lendemain de l'effondrement de l'Union soviétique. À 14 ans, elles vivent le quotidien des jeunes filles de leur âge, dans la rue, à l'école, avec les amis ou la famille. Confrontées à la domination des hommes, elles luttent pour leur liberté avec l'énergie et la force de la jeunesse.

Prix Cicae au Forum de la Berlinale 2013 – Meilleur film et Prix Fipresci à Hong-Kong 2013 – Meilleur film à Wiesbaden 2013

Compétition à Jeonju, Cluj, Paris Cinéma et Sarajevo 2013

Vos commentaires et critiques :

On peut penser que si ce film sonne aussi juste, aussi sincère, aussi fort, c'est parce que Nana Ekvtimishvili, la scénariste et co-réalisatrice, y raconte ses propres souvenirs d'adolescence… Nous voici donc parachutés dans la Géorgie post soviétique des années 1990, une de ces petites républiques que l'ours russe blessé a abandonnées à un certain chaos dans la foulée de l'effondrement général de son empire. Certains d'entre vous ont peut-être eu le bonheur de découvrir la Géorgie éternelle à travers les prodigieux films de son réalisateur le plus marquant, Serguei Paradjanov, dont les œuvres baroques et surréalistes ont rendu un magnifique hommage aux traditions et légendes des confins méridionaux de l'ancien Empire russe… Disons le tout net : si la Géorgie a gardé dans les années 90 ses traditions guerrières, débutant sa période d'indépendance par un conflit sanglant avec la province sécessionniste d'Abkhazie, elle a beaucoup perdu de sa superbe, plongeant dans une période économique difficile, soumettant ses habitants au rationnement alimentaire. De ses ancestrales traditions, on pourrait dire méchamment qu'elle n'a gardé que l'alcoolisme, un redoutable obscurantisme religieux et des coutumes sinistres comme celle des mariages forcés !

C'est ce que nous fait découvrir ce film, avec tendresse mais lucidité, en suivant ses deux jeunes personnages principaux, Eka et Natia, à peine entrées dans l'adolescence. Eka vit dans le fétichisme de l'absence d'un père incarcéré mais qu'elle n'ose pas à aller voir en prison, tandis que Natia, déjà plus mûre et convoitée par les garçons, doit faire face au contexte familial tendu par la promiscuité et l'alcoolisme du père, source de disputes incessantes… Elle semble aimer le doux Lato, qui a le projet de partir à Moscou, et qui lui offre… un pistolet pour se défendre, au cas où ! Mais en fait ses parents l'ont promise à un jeune voisin nettement moins délicat…

La caméra de Nana Ekvtimishvili suit au plus près les deux amies, leurs vies de collégiennes pas piquée des hannetons, rythmée par les disputes générales où l'on sent que l'éducation va un peu à vau-l'eau, leurs discussions de filles avec les grandes sœurs qui semblent vouloir s'émanciper des traditions les vouant trop jeunes au mariage. Et puis c'est l'heure pour Eka et Natia des premiers émois, où jalousie et vendetta peuvent faire basculer les histoires d'amour dans la violence, surtout dans un pays marqué par une situation de guerre.

Toutes ces étapes seront bien sûr pour les deux filles celles du passage dans l'âge adulte, qu'elles aborderont de manière très différente… Le film montre bien les tensions et les difficultés quotidiennes qu'elles doivent affronter, mais aussi les moments drôles et porteurs d'espoirs qu'elles partagent… Nana Ekvtimishvili et son co-réalisateur nous donnent ainsi la belle chronique d'une jeunesse partagée entre désarroi et énergie, rendant un vibrant hommage aux jeunes femmes géorgiennes en résistance face à la loi des hommes.