The Salvation

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1870, Amérique. Lorsque John tue le meurtrier de sa famille, il déclenche la fureur du chef de gang, Delarue. Trahi par sa communauté, lâche et corrompue, le paisible pionnier doit alors traquer seul les hors-la-loi.

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The Salvation n'est définitivement pas un western comme les autres ! Même s'il en a tous les atours, puisant à la fois à la source pure du classicisme hollywoodien et dans le catalogue stylisé de ses déclinaisons italiennes, même s'il offre comme un dû le spectacle efficace et ultra-référencé devant lequel l'amateur de western qui sommeille en chacun ira se lover en ronronnant de plaisir. « Ce n'est pas parce qu'on est Danois qu'on ne connait pas ses classiques », semble nous dire, sourire en coin, Kristian Levring, à peu près inconnu au bataillon chez nous – si ce n'est qu'il fut en son temps, aux côtés de Thomas Vinterberg et Lars von Trier, à l'origine de l'attentat post-situationniste du Dogme95 contre le cinéma pantouflard (ce qui, déjà, devrait nous mettre la puce à l'oreille). Et de fait, avec une efficacité exemplaire et un humour légèrement distancié, il vous aligne les ingrédients du genre, sélectionnés avec amour, parfaitement dosés et généreusement distillés : à défaut de raton-laveur, vous y trouverez un héros hiératique aussi fragile qu'incontrôlable, une femme fatale au passé douloureux, une bande de bandits patibulaires, une petite ville de colons terrorisés, un shérif poltron, une plaine poussiéreuse battue par le vent, un cheval de fer en pleine conquête de l'ouest, du pétrole, des flingues, une Winchester™, de la cruauté aveugle, de la vengeance-qui-se-mange-chaude, ça défouraille à tout va, ça flambe pas mal aussi ; il y a de grands espaces et de l'émotion… D'ailleurs, on ne va pas se mentir : au rayon des « passages obligés », on n'a pu rester insensible au spectacle du si beau, si magnétique, si émouvant Mads Mikkelsen, réplique du Clint Eastwood de le belle époque, en gentil pionnier danois se faisant longuement, sauvagement, christiquement torturer, longuement exposé sous le soleil de plomb qui épuise un décor apocalyptique de ville fantôme, avant de tout aussi sauvagement venger femme et enfant en décimant les affreux mutiques et moustachus qui mettent la ville en coupe réglée.

Mais alors, d'où vient ce sentiment, fort agréable au demeurant, de « jamais vu » ? Précisément, en contrepoint de ce beau catalogue impeccablement décliné, Kristian Levring va largement au-delà du petit plaisir régressif qui consisterait à faire joujou avec ses figurines en plastique, le cow-boy, le shérif-pasteur-poltron (figure inédite du western protestant), le croque-mort, le chef de gang, la femme fatale… il élargit sensiblement le champ de son histoire, fait quelques pas de côté et en vient à filmer ce que des décennies de western ne nous ont que trop rarement raconté. L'histoire de la difficile construction d'une société de migrants sans réels codes culturels communs, et la façon dont elle en vient à s'articuler autour du plus petit dénominateur commun : la loi du plus fort. La façon très graphique dont se crée l'architecture physique et sociale des villes (et on se souvient que le seul western danois qu'il nous ait été donné de voir était l'incroyable Dogville de Lars von Trier, dont The Salvation semble être par instant la version « rhabillée »). La conquête de l'ouest par le chemin de fer – et le développement géographique de cette « conquête » qui suit précisément celui de la découverte et de l'exploitation du pétrole… (Le film a été tourné en Afrique du Sud)

Beaucoup moins basiquement référencé qu'il ne semblait l'être, l'exercice de style virtuose ne bascule pas pour autant dans le pensum mélo-socio-politique, mais mêle tous ces ingrédients avec efficacité et bonheur. Les comédiens, au premier rang desquels Mads Mikkelsen et Eva Green (plus Jonathan Pryce, étonnant), sont parfaitement au diapason de leurs personnages, jouent avec les codes sans les transgresser et, mine de rien, parviennent à vous emmener sur des chemins que vous ne pensiez pas emprunter. Un régal.