Menina TP

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Je m’appelle Luisa Palmeira, j’ai dix ans. Ma famille, c’est tous des Portugais. Mais moi, je suis Française, j'suis pas comme eux, j'fais pas de faute quand je parle. Ma mère, elle est plus belle que Marilyn Monroe, sauf quand elle met ses lunettes. Mon père, il a une moto rouge et il me laisse gagner au bras de fer. L’autre jour, il m’a dit qu’il allait disparaître. Mais moi, je le crois pas.

Vos commentaires et critiques :

Voilà comme le souligne Paris Mômes, l'excellent supplément familles deTélérama, un film qui réconciliera toutes les générations tout en ne prenant pas les enfants pour des quiches à coups de clichés un peu trop guimauves. Menina parle de sujet graves (le racisme, la maladie, les difficultés familiales) à regard et hauteur d'enfant, avec légèreté et humour. La très jolie première scène est assez emblématique : nous sommes au printemps 1979, au bord de la Méditerranée, dans la commune populaire de Port Saint Louis du Rhône, au cœur d'une famille d'origine portugaise, alors que depuis la fin des années 60, la misère au pays et la dictature de Salazar ont conduit des milliers de Portugais à chercher refuge et travail en France. Cette année-là, la communauté portugaise fête les 4 ans de la Révolution des œillets qui a déposé le dictateur. On boit en chantant des chansons révolutionnaires, on laisse s'exprimer la nostalgie du pays (la fameuse saudade)… Mais pour les enfants, majoritairement nés en France, et notamment pour Luisa, 10 ans, c'est juste une fête au bord de la mer, dans ce cadre à la fois chiche et idyllique fait de cabanons exigus posés au bord de l'eau. Luisa vit entre son père Joao qui travaille beaucoup et boit presque autant, cachant peut être quelque secret, et sa mère Leonor qui tient avec fermeté et parfois dureté la maison. Et puis il y a Pedro le fils déjà adulte, qui veut profiter de la vie en France et se trouve souvent en conflit avec le père.
Menina (la fille en portugais) est largement autobiographique et raconte avec tendresse, drôlerie et poésie, la complexe construction de l'identité d'une petite fille qui a parfois honte de ses parents trop portugais et qui se demande sans cesse si elle doit choisir entre ses deux cultures, dans un pays où les Portugais, même s'ils ont été reçus à bras ouverts, sont parfois victimes de petites vexations racistes. Cristina Pinheiro, réalisatrice autrefois actrice, qui connaît bien le sujet pour l'avoir vécu, observe avec compréhension les deux parents torturés par leurs contradictions, notamment le père, magnifiquement incarné par Nuno Lopes, ancien militant incompris, ouvrier qui s'est tué probablement à la tâche et qui aujourd'hui cache sa maladie et noie surtout son terrible mal du pays dans l'alcool. On retiendra cette scène magnifique dans laquelle, ivre mort, il retourne la maison pour retrouver son passeport dans l'idée de rentrer immédiatement au Portugal. Face à lui, Beatriz Batarda (actrice pour le grand Manœl de Oliveira) incarne superbement la dureté et la fierté des femmes qui ont tenu à bout de bras le foyer familial pour maintenir coûte que coûte la réputation. Bien sûr Menina bouleversera tous les spectateurs d'origine portugaise quel que soit leur âge, qui y verront leur propre destin ou celui de leurs parents ou grands-parents. Mais il touchera aussi toutes celles et ceux dont les familles se sont battues envers et contre tout pour trouver leur voie, parfois difficilement, dans la France d'aujourd'hui. Il y a des accents loachiens ou dignes de Robert Guédiguian dans cette chronique de Cristina Pinheiro. Venez voir Menina en famille, vous ne le regretterez pas.