Halte

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Nous sommes en 2034.
Cela fait trois ans que l’Asie du Sud-Est est dans le noir, littéralement.
Le soleil ne se lève plus, suite à des éruptions volcaniques massives dans la mer de Célèbes.
Des fous dirigent les pays, les communautés, les enclaves et les villes.
Des épidémies cataclysmiques ont ravagé le continent.
Ils sont des millions à être morts, des millions à être partis.

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QUINZAINE DES RÉALISATEURS 2019

Dystopie d’Asie

En 20 ans, le cinéaste philippin Lavrente Indico Diaz, dit Lav Diaz, a réalisé 12 films, certains comme Melancholia, d’une durée de 8 heures, remportant le grand prix  Orizzonti de la Mostra de Venise en 2008. En 2013, il présente à Un certain regard Norte, la fin de l’histoire. Quand on lui pose des questions sur la durée de ses  œuvres, le cinéaste répond qu’ils “sont gouvernés par l’espace et la nature, et non par le temps”. Il est naturellement devenu l’emblème de la résistance contre le régime autoritaire du président Rodrigo Duterte. Halte, qui dure 4 h 39, se présente comme une immersion dans une Asie du Sud-Est de 2034, “plongée littéralement  dans le noir suite à des éruptions volcaniques massives dans la mer de Célèbes”. Il raconte avoir eu l’idée de son film en écoutant un vieil homme qui discourait devant un petit groupe attentif. “Puis la foule s’est dispersée, et lui, très calme, assis sur un rocher, regardait l’océan. J’ai essayé d’établir le contact en lui disant  bonjour. Il m’a demandé, non pas ‘qui’, mais ‘Qu’êtes-vous ?’ J’ai répondu ‘je suis cinéaste’. Sa question suivante fusa aussitôt : ‘Que peut le cinéma ?’ J’étais pétrifié. Nous sommes allés boire des bières et nous lamenter sur l’état du monde. Il demeurait optimiste. Je lui ai parlé du film que je m’apprêtais à tourner, un mélange de science-fiction et d’horreur à propos de la mort d’un dictateur, de la mort de la moralité et de la vérité. Ses derniers mots avant d’être englouti par l’obscurité : ‘Ne fais pas confiance à ce que tu connais’.”

Deux ans après son magnifique La femme qui est partie, d’une durée – raisonnable pour son réalisateur – de 3h46, voici le nouveau film de Lav Diaz, passionnant cinéaste philippin qui s’extrait des contraintes temporelles pour livrer ce qu’il considère être la longueur adéquate à l’histoire qu’il veut raconter. Halte s’étend donc sur plus de quatre heures et demie : à sa vision, force est de constater qu’un tel format modifie notre position de spectateur, nous immergeant totalement dans l’atmosphère de ténèbres pluvieuses qui habite le film. Succession de saynètes construisant peu à peu le portrait d’un pays marqué par les désastres politiques et climatiques, récit d’anticipation d’un noir et blanc sépulcral, Halte est une œuvre profondément pessimiste et démesurément hypnotique. Asie du Sud-Est, 2034. Suite à des éruptions volcaniques dans la mer de Célèbes, la région est plongée dans une nuit permanente dans laquelle bourdonnent les drones, fleurissent les épidémies et prospèrent les tyrannies. Une prostituée, une auteure controversée, un mystérieux rebelle, deux femmes des forces spéciales, un dictateur aux portes de la folie... Entre beauté funèbre et farce grotesque, ces protagonistes vont se croiser, avançant inexorablement vers ce que le cinéaste appelle « la mort de la moralité et de la vérité ».