Roubaix, une lumière

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Roubaix, une nuit de Noël. Le commissaire Daoud sillonne la ville qui l’a vu grandir. Voitures brûlées, altercations… Au commissariat, vient d’arriver Louis Coterelle, fraîchement diplômé. Daoud et Louis vont faire face au meurtre d’une vieille dame. Deux jeunes femmes sont interrogées, Claude et Marie. Démunies, alcooliques, amoureuses.

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 Chronique de la misère ordinaire

Retour dans sa ville natale pour Arnaud Desplechin, qui revient en sélection  officielle  où il a montré la plupart de ses films, à l’exception notable de l’antépénultième Trois souvenirs de ma jeunesse, multiprimé à la Quinzaine en 2015 et César du  meilleur réalisateur. Sous couvert de suivre une enquête policière, Roubaix, une lumière est un film à tiroirs comme son auteur les affectionne.  Associé pour la  deuxième fois à Léa Mysius (la réalisatrice d’Ava), il renouvelle aussi à cette occasion son cheptel d’interprètes en faisant appel pour la première fois à Léa  Seydoux (Palme d’or pour La vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche en 2013), Sara Forestier (lauréate de deux César), Roschdy Zem (prix d’interprétation collectif à Cannes pour Indigènes de Rachid  Bouchareb en 2006) et Antoine Reinartz (révélé dans 120 battements par minute de Robin Campillo, grand prix du jury en 2017).

Roubaix, une nuit de Noël. Le commissaire Daoud sillonne la ville qui l’a vu grandir. Voitures brûlées, altercations…
Au commissariat, vient d’arriver Louis Coterelle, fraîchement diplômé.
Daoud et Coterelle vont faire face au meurtre d’une vieille dame. Deux jeunes femmes sont interrogées, Claude et Marie. Démunies, alcooliques, amoureuses.
« Au-delà de son immense réussite, Roubaix, une lumière marque une étape décisive dans la carrière d’Arnaud Desplechin : le cinéaste y reste attaché à sa ville natale, décor de plusieurs de ses longs-métrages (en particulier deux de ses plus beaux, Un conte de Noël et Trois souvenirs de ma jeunesse), mais il délaisse sa veine autobiographique pour filmer au plus près du réel, abandonne le milieu de la bourgeoisie intellectuelle pour s’attacher aux classes les plus défavorisées et marginales de la ville, à ses bas-fonds.
« Desplechin prend comme point de départ un matériau documentaire. Il s’inspire de plusieurs histoires vraies et en particulier d’un fait-divers criminel. Pourtant cette immersion dans la réalité la plus crue se révèle un détour pour revenir au cinéma, et à la littérature, qui ont toujours nourri son œuvre. Le cinéaste tourne le dos au naturalisme et adopte un style volontairement théâtral, inattendu dans un tel contexte. La précision et la richesse des dialogues, l’interprétation magistrale confirme que Desplechin est un directeur d’acteurs génial. Devant sa caméra, il ne demande pas d’être, mais de jouer, de composer. Fidélité à Bergman oblige. Et c’est dans le souci du texte, l’incarnation d’un personnage que pourront naître le sens, la vérité du film. Dans cette succession d’affrontements et de confrontations verbales, les mots occupent une place primordiale. Faut-il préciser que Léa Seydoux et Sara Forestier sont prodigieuses ? Elles délivrent toutes deux des performances inoubliables et d’une intensité rarement égalée à l’écran.
« Le film appartient sans ambages au genre policier, il s’inscrit dans une certaine tradition cinématographique française par sa description de la vie quotidienne des flics d’un commissariat, et des méthodes d’investigation d’un commissaire charismatique et intuitif, en charge de plusieurs enquêtes. On pense à Jean-Pierre Melville ou Georges Simenon par le sens aigu de l’étude comportementalisme et la vérité des portraits humains, en particulier le commissaire Daoud (Roschdy Zem, extraordinaire lui aussi, dans un de ses plus beaux rôles), décrit comme un prince solitaire de la ville, forçant le respect et l’admiration de tous, et Louis (Antoine Reinartz), jeune policier catholique fraîchement diplômé, maladroit et naïf.
« Mais les références majeures de Desplechin demeurent Hitchcock et Dostoïevski, plus précisément Le Faux coupable (1956, avec Henry Fonda) et Crime et châtiment. En s’intéressant au meurtre gratuit d’une vieille femme, le cinéaste délivre une réflexion sur le mal, la culpabilité et la pitié, accordant autant d’attention aux bourreaux et aux victimes, intimement liées par la même misère morale et matérielle. Tableau d’un monde en crise, le film se charge alors d’une mission : rendre leur humanité aux coupables.
« Roubaix, une lumière semble promis à un destin enviable : réconcilier les amateurs de polar et les admirateurs de l’un des meilleurs cinéastes français en activité. » (O. Père,arte.tv)