Crash test Aglaé

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Aglaé, jeune ouvrière, n'a qu'un seul repère dans la vie : son travail dans une usine de crash test automobile. Lorsqu'elle apprend la délocalisation de l'usine, elle accepte à la surprise générale de partir en Inde pour ne pas perdre son emploi. Accompagnée de deux collègues, elle s'embarque dans un périlleux périple en voiture jusqu'au bout du monde.

Vos commentaires et critiques :

C'est un très chouette petit film qui part d'une situation grave – et d'un titre aussi improbable que les péripéties qui attendent ses personnages – pour s'échapper dans des envolées de fantaisie douce, de poésie drolatique. Un road-movie réjouissant aux côtés de trois ouvrières délocalisées embarquées dans un périple hasardeux qui se transformera pour toutes les trois en une quête d'identité aussi impromptue que révélatrice.
Il y en a qui ont besoin d'émotions fortes, d'autres qui recourent au yoga ou qui vont trouver leurs moments de zénitude dans les mots croisés ou la course d'orientation ou les promenades avec leur chienne… Pour Aglaé, son point d'équilibre, son vrai centre d'intérêt, son repère permanent, sa source d'harmonie, bref l'essentiel de sa vie… c'est son boulot. Aglaé est technicienne, une des meilleures dans son domaine. Son domaine, c'est le crash test automobile : elle contrôle la résistance aux chocs des voitures particulières. Et elle est parfaitement heureuse de consacrer son temps, son intelligence, sa rigueur à ces minutieux tests ô combien utiles à la collectivité.
Elle est heureuse jusqu'au jour où la direction de l'entreprise annonce la fermeture imminente de l'usine dont l'activité, pour des raisons de coût du travail, va être délocalisée en Inde. Branle-bas de combat syndical : pas question de laisser passer cette décision scandaleuse et injustifiée, mobilisation, manifestation, occupation. Quant à la proposition des patrons de suivre le mouvement et d'aller s'installer en Inde pour garder son boulot, c'est parfaitement ridicule, ce serait risible si ça n'était pas cynique, pas un employé n'acceptera ! Sauf que, à la stupéfaction générale et tout particulièrement celle de la direction dont la scélératesse est ainsi confirmée, Aglaé va se lever bien droit et dire oui, OK, banco : sa seule raison de vivre c'est son métier, s'il faut aller au bout du monde pour continuer à l'exercer, elle ira au bout du monde ! 
C'est ainsi que l'absurdité crasse de la mondialisation capitaliste va faire basculer le destin d'une employée modèle jusqu'à la transformer en l'héroïne d'une incroyable aventure. Immédiatement attachante, farouchement déterminée – on la verra capable de détourner une armée, ou du moins un soldat motorisé d'un campement kazakh pour atteindre son objectif –, Aglaé n'est pourtant pas une téméraire dans l'âme. Mais quand on touche à l’essentiel de sa vie, elle ne se pose plus de questions, elle fonce… Et elle va entraîner dans son épopée deux de ses collègues, deux femmes évidemment, qui sautent le pas pour des raisons… qu'on qualifiera de personnelles.
Nous voici donc embarqués sur les chemins buissonniers d'une comédie sociale joyeusement décalée, qui rappelle un peu le Louise Michel du duo Kervern/Delépine, en moins provocateur et désespéré, en plus optimiste et bienveillant. Le charme de l'équipée tient beaucoup au jeu des actrices – on ne vous dévoile point leur personnage, car le plaisir du film tient beaucoup à la surprise et au contrepied. Yolande Moreau égale à elle-même, à la fois marmoréenne et imprévisible. Julie Depardieu émotive électrique. Et Aglaé tout en détermination, très juste, cohérente jusqu'à la déraison, courageuse jusqu'à l'inconscience, la formidable India Hair, appréciée récemment dans Rester vertical de Guiraudie et qu'on n'a pas fini de voir tant elle a une forte personnalité.
Pour ceux qui ne peuvent pas partir loin en vacances, c'est l'occasion de s'offrir une heure vingt-cinq de dépaysement garanti, Suisse, Kazakhstan, Inde. Tout en goûtant une fable pas anodine sur l'absurdité de ce monde : comment une ouvrière opiniâtre, munie de sa seule volonté, riche de sa seule intelligence, refuse de devenir une victime anonyme de la mondialisation, non en militante convaincue mais en individu libre et consciente, décidée à choisir ce que sera sa vie.