L'Amour est une fête -12

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Paris, 1982. Patrons d’un peep show, Le Mirodrome, criblés de dettes, Franck et Serge ont l’idée de produire des petits films pornographiques avec leurs danseuses pour relancer leur établissement. Le succès est au rendez-vous et ne tarde pas à attirer l’attention de leurs concurrents. Un soir, des hommes cagoulés détruisent le Mirodrome. Ruinés, Franck et Serge sont contraints de faire affaire avec leurs rivaux. Mais ce que ces derniers ignorent, c’est que nos deux «entrepreneurs» sont des enquêteurs chargés de procéder à un coup de filet dans le business du « X » parisien. C’est le début d’une aventure dans le cinéma pornographique du début des années quatre-vingt qui va les entraîner loin. Très loin.

Vos commentaires et critiques :

Hum hum ! Voilà un film qui va sans doute faire du bruit dans le Landerneau, bousculer dans les chaumières et irriter le duvet des pudibonds de tout poil, de celles pour qui le féminisme s’accommode mal de la liberté sexuelle et pour qui toute gaudriole est forcément liée au vilain patriarcat qui domine le monde. Parce que L’Amour est une fête, comédie inclassable au titre explicite, évocateur et presque « historique », parle ouvertement de sexe, voire de porno, et d’un temps que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaître où l’amour libre n’était pas forcément synonyme de maladies mortelles sexuellement transmissibles, ne passait pas par l’entremise d’internet ; un temps où les jeunes filles bourgeoises de province s’encanaillaient en devenant actrices olé olé devant des caméras qui tournaient encore avec de la pellicule ; un temps où les professionnels de ce cinéma marqué de l’infamante lettre X n’avaient rien de proxénètes mais étaient plutôt de joyeux artisans, venus pour certains de genres bien plus respectables. Voilà pour poser le tableau.
Nous sommes en 1982, dans le Paris de la nuit. Franck et Serge tiennent « Le Mirodrome », un des nombreux sex shops / peep shows qui illuminent la capitale de leurs propositions indécentes. Pour faire fructifier leur petit business, ils ont l’idée de tourner avec leurs starlettes de cabines des petits films X aux titres délicieusement parodiques (ici ce sera entre autres Clito de cinq à sept, hommage discret à Agnès V.), destinés à fidéliser une clientèle toujours avide de nouveautés. Mais ce que personne ne sait, c’est que les deux lascars sont en fait deux flics infiltrés pour prendre en flag les pontes du milieu qui font du blanchiment grâce au porno…
L’Amour est une fête est avant tout un formidable film d’ambiance qui décrit un monde disparu, celui de la nuit et du sexe des années 80, celui de Brigitte Lahaie, Marylin Jess (qui d’ailleurs joue un petit rôle) ou Jess Franco, un monde où le porno n’était pas une grosse industrie, avec ses exploiteurs et ses surexploitées… Un film qui mélange allègrement les genres, polar, comédie, comédie dramatique, les personnages ayant chacun leur part de drame et de drôlerie à la fois.
Mais c’est surtout une galerie de personnages extraordinaires servis par des acteurs qui le sont tout autant. Guillaume Canet (déjà sombre héros du précédent film d’Anger, La Prochaine fois je viserai le cœur), exceptionnel en flic dépressif qui ne sait pas trop ce qu’il fait dans ce milieu où il est en mission tout en s’y attachant de plus en plus, Gilles Lellouche génial en beauf hédoniste qui profite éhontément des plaisirs de la vie tout en délaissant encore plus éhontément sa famille restée en province. Mais la palme revient probablement à deux personnages secondaires autant qu’inoubliables : le réalisateur Xavier Beauvois (Des hommes et des dieux entre autres) incarne de manière jubilatoire un réalisateur de porno habité par son sujet, dont le talent confine à celui des auteurs du cinéma traditionnel de son époque – rappelant par ailleurs que plusieurs cinéastes contemporains désormais honorés se sont essayés au porno : Oshima, Vecchiali, Breillat,Von Trier plus tard… Et puis Michel Fau (grandiose maître de chant de Catherine Frot dans Marguerite) qui interprète en majesté un génial manitou du milieu, entre violence latente, folie douce, tendresse et mégalomanie mystique : il vaut à lui seul le détour.