Maigret

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Maigret enquête sur la mort d'une jeune fille. Rien ne permet de l'identifier, personne ne semble l'avoir connue, ni se souvenir d'elle. Il rencontre une délinquante, qui ressemble étrangement à la victime, et réveille en lui le souvenir d’une autre disparition, plus ancienne et plus intime...

Vos commentaires et critiques :

 

La première qualité de ce Maigret version Leconte / Depardieu, c’est sa modestie. On sait infiniment gré à Patrice Leconte de ne pas avoir cherché à mettre Maigret au goût du jour, de ne pas l’avoir modernisé, relooké, de ne pas avoir eu l’ambition de réaliser un « reboot », comme on le fait aujourd’hui pour n’importe quel super-héros. Et on est tout aussi reconnaissant à l’ogre Gérard Depardieu de ne pas avoir dévoré le personnage du célèbre commissaire à la pipe (encore que dans le film, Maigret est privé du plaisir de fumer, sur ordre de la faculté !), de n’avoir pas cédé à la tentation d’en donner une interprétation qu’on aurait pu qualifier de révolutionnaire, ou, pire encore, de définitive. Non, Leconte et Depardieu nous offrent le plaisir d’un Maigret familier, qu’on connaît et reconnaît comme un de nos proches, comme un des pensionnaires attitrés de notre petit théâtre intime, de la troupe bien aimée des personnages de fiction qui peuplent notre imaginaire et accompagnent notre vie.
Ce Maigret est un vrai bonheur de cinéma artisanal – à l’ancienne pourrait-on dire si on se laissait aller à la nostalgie –, fabriqué avec un soin et un souci du détail en tous points remarquables : décors, costumes, éclairages, choix des couleurs, tout concourt à nous plonger dès la première scène dans une ambiance à la fois crédible et romanesque, feutrée et inquiétante, propice aux confidences les plus sincères aussi bien qu’aux agissements les plus crapoteux.
Comme l’indique le titre du roman de Simenon ici (librement) adapté, c’est une jeune morte qui est au départ du récit. Le corps sans vie d’une jeune femme est retrouvé à l’aube, dans l’allée d’un jardin public, présentant cinq plaies par arme blanche. Les coups ont été portés de manière désordonnée, à bout portant. La victime est vêtue d’une robe de soirée en satin blanc mais nulle trace de sac à main, rien qui puisse permettre de l’identifier.
Maigret va se charger de « l’affaire ». Partir à la recherche de la jeune morte autant qu’à la poursuite de son assassin. Qui était-elle, que faisait-elle, de quoi et comment vivait-elle ? Pourquoi et dans quelles circonstances est-elle morte, si jeune ? Toutes les premières impressions (fille facile, voire vénale, fêtarde en goguette) seront balayées par les informations patiemment recueillies par un Maigret sûr de rien et surtout pas de lui-même, lui qui sait bien que si la mort de cette fille lui tient tant à cœur, c’est parce qu’elle éveille en lui un souvenir ô combien douloureux… Le commissaire avance à tout petit pas, dans sa démarche comme dans son enquête. Toujours engoncé dans son manteau qui lui fait comme une armure, le chapeau constamment vissé sur son crâne des fois que le ciel lui tomberait sur la tête, il observe, il écoute, il s’imprègne. Ne pas anticiper, ne pas extrapoler, ne pas tirer de conclusions hâtives, s’efforcer même de ne pas penser, telle est sa règle de conduite, telle est sa manière de chercher à atteindre son graal : la vérité. Qui est rarement consolatrice. C’est pourquoi il ne faut pas trop en attendre, c’est pourquoi il faut la traquer, certes, mais sans se départir d’un indispensable flegme, et de l’humour qui va avec (le film recèle quelques répliques savoureusement drôles).
Depardieu est magnifique. Comme dit plus haut, il ne s’empare pas du personnage, il le laisse venir à lui. C’est Maigret qui prend possession de Depardieu, pas l’inverse. C’est Maigret le vieux fauve que Depardieu apprivoise, avec une douceur et une humilité profondément émouvantes.