21 nuits avec Pattie -12

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Au cœur de l'été, Caroline, parisienne et mère de famille d'une quarantaine d'années, débarque dans un petit village du sud de la France. Elle doit organiser dans l'urgence les funérailles de sa mère, avocate volage, qu'elle ne voyait plus guère. Elle est accueillie par Pattie qui aime raconter à qui veut bien l'écouter ses aventures amoureuses avec les hommes du coin. Alors que toute la vallée se prépare pour les fameux bals du 15 août, le corps de la défunte disparaît mystérieusement.

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À Lourdes, ville dont est originaire la famille Larrieu, la légende raconte que, lassée des pèlerins et des statues en plastique à son effigie, la vierge Marie est apparue dans la chambre d’Arnaud et Jean-Marie, alors enfants, pour leur prodiguer en douce quelques conseils : ne jamais se prendre trop au sérieux ; se fier sans crainte au vent frais de la liberté pour indiquer la voie (lactée, sans issue, ferrée, elle ne précisa pas) ; manier l’humour comme un rempart à la bêtise humaine ; aimer l’odeur des sous-bois ; oser être un peu barge (il est possible qu’elle n’utilisa pas exactement ce terme). Sur le moment, les deux frères ne captèrent pas grand-chose à ce discours un brin ésotérique, pensant à une hallucination commune, ou aux effets secondaires d’une intoxication alimentaire (ils avaient mangé des champignons la veille) mais bien des années plus tard, quand ils décidèrent de faire des films, sans même y penser ni le vouloir, ils appliquèrent à la lettre ces conseils mariaux pleins d’un joyeux bon sens. Quel bonheur donc de retrouver Arnaud et Jean-Marie durant ces 21 nuits qui brillent de mille feux et sont un hymne à la vie, celle qui coule comme celle qui n’est plus. Car Isabelle est morte. Endormie à tout jamais dans son grand mas de l’Aude alors que les travaux de rénovation ne sont même pas encore finis. Sa fille Caroline arrive dans ce trou paumé au milieu des montagnes (très très belles, les montagnes) pour s’occuper du cadavre de cette mère qu’elle n’a jamais vraiment connue, qu’elle n’a jamais vraiment aimée. Et c'était réciproque. Les ouvriers et Pattie, l'accorte voisine, ont bricolé une chambre froide avec des ventilos, histoire de… Il fait chaud, très chaud au cœur de cet été qui, déjà, fait sonner les trompettes orageuses annonçant le début de la fin. On porte robe courte, on avance torse nu, on boit du vin pour se désaltérer et le soir, on va de bal en bal, de village en village, de vallée en vallée. Parachutée malgré elle dans ce coin de paradis où tout, même la mort, semble si simple, la timide Caroline va devoir composer contre son penchant naturel à la maîtrise des choses, faits et émotions inclus. Il faut dire qu’il est difficile de résister à l’énergie contagieuse, au franc parler cru et à la délicieuse impudeur verbale de Pattie. Pattie qui va de Caroline faire la confidente de ses nombreuses et trépidantes aventures amoureuses, pour ne pas dire sexuelles.

Mais coup de théâtre : le corps d’Isabelle disparaît ! Quand on sait que chez les frères Larrieu, on peut peindre, faire l’amour et rencontrer des ours qui parlent russe au fin fond des Pyrénées, une telle péripétie est finalement assez normale. Il faudra faire comme Caroline : laisser la rationalité au vestiaire et accepter le ton résolument libre et irrévérencieux de ce récit qui, sous ses airs de fantaisie foutraque, est aussi minutieusement écrit que la partition d’un quatuor à cordes et s’écoute comme un poème érotique. C’est intelligent et vif, malicieux sans jamais faire le malin, impudique sans jamais être vulgaire, avec en plus cette insouciance presque enfantine qui ne s’excusera de rien, ni de faire danser les morts, ni de faire vibrer les vivants, ni de parler de sexe sans pourtant ne jamais rien montrer. Flirtant doucement avec le fantastique, 21 nuits avec Pattie est aussi un voyage intime qui raconte comment deux femmes vont, par la seule force du récit, qu’il soit littéraire ou de comptoir, réunir le frisson de la chair et l’incandescence de l’esprit… Merci Marie, merci Pattie.