Nymphomaniac - Volume 1 -16

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NYMPHOMANIAC est la folle et poétique histoire du parcours érotique d'une femme, de sa naissance jusqu'à l'âge de 50 ans, racontée par le personnage principal, Joe, qui s'est autodiagnostiquée nymphomane. Par une froide soirée d'hiver, le vieux et charmant célibataire Seligman découvre Joe dans une ruelle, rouée de coups. Après l'avoir ramenée chez lui, il soigne ses blessures et l'interroge sur sa vie. Seligman écoute intensément Joe lui raconter en huit chapitres successifs le récit de sa vie aux multiples ramifications et facettes, riche en associations et en incidents de parcours.
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Vos commentaires et critiques :


Lars Von Triers livre un film patchwork, inégal mais absolument pas dénué de talent. Gros buzz médiatique oblige, lorsque les lumières s'éteignent à l'UGC Normandie, on s'attend à voir un chef-d’œuvre ou sinon rien. Un peu comme avec "La vie d'Adèle", on a en tête tout le background du film avant même sa sortie, à savoir les discordes entre LVT et son producteur, les scènes de cul non censurées, la photo de Charlotte Gainsbourg à poil "prise" entre deux blacks tout en muscle... sans oublier l'idée que la version diffusée ne correspond pas au montage voulu par le réalisateur et donc par là, plus difficile à juger (bien que l'on pourrait avoir de longues discussions sur l'importance d'"écarter" le réalisateur durant le montage de son film). Le film démarre sur de longs travellings léchés de ruelles glauques sous la pluie, qui ne sont pas sans rappeler vaguement un certain Tarkovski mais cependant avec moins d'impact car moins de fond. Rammstein vient se mêler au doux son des gouttes ruisselants sur la tôle et le ton est donné : une certaine rupture avec le "calme", une distanciation ironique et cynique soutenue par un humour féroce. Joe (Charlotte Gainsbourg), est récupérée en sang par le vieux Seligman (Stellan Skarsgard) dans une première scène cocasse : on la prenait pour morte et finalement, elle peut marcher quasi sans peine, avec cet étrange décalage que crée la voix trainante et faible de l'actrice, sans parler de son accent à couper au couteau, l'irrésistible touche frenchy. Une fois Joe confortablement installée dans la chambre sommaire du vieil homme, le roman d'initiation pornographique peut démarrer et le film va avancer sous forme de chapitres qui scandent les grandes étapes de la vie de la jeune femme dans sa découverte de la sexualité. Sexualité qui se transforme bien vite et selon la propre formulation de Joe, en nymphomanie. Tout son récit est axé autour de l'idée qu'elle est une mauvaise personne car elle n'éprouve pas d'amour, pas de remords et consomme sa sexualité de manière compulsive. Ce à quoi le vieux Seligman va tenter, à chaque fois, de lui opposer l'idée qu'il n'y a rien de sale et d'affreux à appréhender le cul de cette façon, grâce à une comparaison kitsch (les plans très explicatifs à desseins de la canne à pêche et de l'appât) mais hilarante, avec la pêche à la mouche.

Chaque chapitre pourrait être vu séparément, à la manière de petits courts-métrages autour du sexe : la découverte de la masturbation à 8 ans,  le défi de coucher avec le plus d'hommes dans un train, la mort du père, etc. Certains sont brillants, voire déjà des morceaux d'anthologie, à l'image de la génialissime intervention d'Uma Thurman dans le chapitre Madame H. Le film peine ensuite, à revenir ce niveau d'excellence, tant ce chapitre est juste dans les dialogues, la mise en scène, la virtuosité du montage, le rythme et le jeu. Le chapitre sur le père par exemple, seul filmé en noir et blanc, tombe dans un voyeurisme larmoyant et peu élégant alors même que LVT avait réussi à éviter la sensation de malaise devant les scènes de sexe crues. Cet écart donne la sensation que le film est prétexte au réalisateur pour évoquer sa vision de la sexualité et de l'amour, dans un champ parfois trop large et dans lequel il se perd un peu... Il est en effet délicat de passer de la Stacy Martin (excellente interprète de Joe, jeune) irrésistiblement froide à celle qui devrait nous faire passer de l'émotion au chevet de son père malade. Christian Slater s'apparente davantage de manière ambigüe, à une autre des conquêtes de sa propre fille (il ne vieillit pas physiquement et a des allures d'acteur porno) qu'à l'effondrement d'une figure paternelle aimante. D'ailleurs la réaction physique de Joe à ce décès en est la preuve mais la non distanciation de la scène par rapport à son propos la rend maladroite et un cran au-dessous du reste. Aussi, il est parfois difficile de savoir si le film est empreint d'un féminisme débridé - Joe incarnant la femme libre se jouant des hommes et de leur sexe, loin de tout le sentimentalisme fleur bleue que l'on voudrait inculquer aux petites filles avec l'idée du prince charmant - ou bien si LVT fait preuve, comme le pensent certains critiques, d'un mysoginisme absolue, en représentant la femme comme sale et dépravée dès qu'elle tend à une sexualité différente. Il faudrait voir le chapitre second, beaucoup plus sombre et torturé, pour en conclure avec plus de précisions. Mais le débat ne se situe peut-être pas ici. S'éloignant du plombant "Shame" de Steve McQueen qui intellectualisait lourdement l'obsession maladive de Fassbender pour le sexe, le réalisateur laisse planer au-dessus des séquences, de réelles interrogations et nous renvoie à nos propres certitudes. Car LVT dresse ici le portrait d'une femme empreint d'une tristesse immense, dans une quête maladive de sexe et d'amour (très bon Shia Labeouf) qui voudrait s'affranchir de certains dogmes que la société tend à marteler. Est-on forcément un monstre d'égoïsme dégueulasse lorsqu'on aime le cul ? Quelle place a la femme dans son désir au sein d'un monde où les hommes à femmes ne sont pas considérés comme des putes mais comme des charmeurs bien membrés ? Comment cette envie d'être et d'être aimée, traduite par la recherche vaine de l'orgasme et du plaisir, trouve-t-elle son salut ? La réponse sera, on l'espère, dans le deuxième volet.