L'Homme qu'on aimait trop

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1976. Après l'échec de son mariage, Agnès Le Roux rentre d'Afrique et retrouve sa mère, Renée, propriétaire du casino Le Palais de la Méditerranée à Nice. La jeune femme tombe amoureuse de l'homme de confiance de Renée, Maurice Agnelet, un avocat de dix ans son aîné. Maurice a d'autres liaisons. Agnès l'aime à la folie. Actionnaire du Palais de la Méditerranée, Agnès veut vendre sa part de l'héritage familial pour voler de ses propres ailes. Une partie truquée siphonne les caisses de la salle de jeux. On menace Renée. Derrière ces manœuvres guerrières plane l'ombre de la mafia et de Fratoni le patron du casino concurrent qui veut prendre le contrôle du Palais de la Méditerranée. Tombé en disgrâce auprès de Renée, Maurice met en relation Agnès avec Fratoni qui lui offre trois millions de francs pour qu'elle vote contre sa mère. Agnès accepte le marché. Renée perd le contrôle du casino. Agnès supporte mal sa propre trahison. Maurice s'éloigne. Après une tentative de suicide, la jeune femme disparaît à la Toussaint 1977. On ne retrouvera jamais son corps. Trente ans après, Maurice Agnelet demeure l'éternel suspect de ce crime sans preuve ni cadavre. Convaincue de sa culpabilité, Renée se bat pour qu'il soit condamné...

Vos commentaires et critiques :

SPÉCIAL CANNES

L'affaire Le Roux on ne la connait que trop ! » Cette histoire à rebondissements, cette disparition jamais élucidée, qui dure depuis 1977… Le dernier épisode étant l'incarcération récente de l'insondable Maurice Agnelet. L'épisode suivant se profilant déjà puisque le condamné interjette appel. L'exercice était donc périlleux de s'emparer de ce fait divers pour en faire un film qui nous intrigue et nous intéresse à des situations et des personnages pas forcément intéressants…

Et André Téchiné a su trouver l'angle d'approche idéal. Celui de la victime, Agnès le Roux. Car enfin que connait-on d'Agnès ? Son statut de jolie et richissime héritière aura tôt fait de la transformer en personnage de second plan, le genre de potiche trop gâtée pour être intéressante. La décidément magnifique Adèle Haenel qui l'interprète en fait une personne complexe et crédible, à fleur de peau. Agnès est du genre décidé, qui n'a pas froid aux yeux. Loin d'être une rêveuse romantique, elle est plutôt pragmatique et lucide.

Quand elle rentre d'Afrique après y avoir consommé son mariage, puis son divorce dans la foulée, là où d'autres se seraient contentées de rester oisives, abattues, elle passe tout de suite à l'action en décidant de monter une boutique dans le vieux Nice. C'est qu'elle est issue d'une longue lignée de prédateurs, dressée pour régner comme tous ceux de sa classe sociale. Elle est de celles qui commandent. Tout comme sa mère Renée (Catherine Deneuve, évidente !) qui mène son monde à la baguette, ne tolérant pas la contestation, le doute. Une patronne matriarcale en quelque sorte dont il est difficile de contester l'autorité. Faites dans le même bois, les deux lionnes s'aiment, se heurtent, se détestent. Tous ces sentiments qui se mélangent donnent une relation explosive, mais qui tient la route, ou plutôt qui tiendrait la route s'il n'y avait pas l'apparition de Maurice Agnelet (Guillaume Canet intrigant, glauque, remarquablement complexe lui aussi).

C'est d'abord Renée qui l'embauche comme homme de confiance mais, pas née de la dernière pluie, elle reste sur ses gardes. Il est sans doute un avocat brillant, affuté, mais elle repère vite sous ses allures trop policées, toujours dans la séduction, l'être sans scrupule et arriviste qu'il peut cacher. Elle met des distances que Maurice n'apprécie pas. Le retour d'Afrique d'Agnès va lui donner l'occasion prendre une place de choix dans la famille. De Maurice, Agnès accepte tout, ses maîtresses, son cynisme, son absence de morale…

Saupoudrons le tout d'un zeste d'intrigue mafieuse dans le contexte politique niçois… et cela tend peu à peu vers une tragédie grecque, un drame cornélien au sein d'une classe sociale dont la froideur, la violence, le sens du calcul font froid dans le dos. Et on se prend à se passionner pour un sujet dont on pensait que les medias avaient fait le tour, dont on pouvait croire que jamais il ne pourrait nous concerner…