Tristana

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À la mort de sa mère, la jeune Tristana est recueillie par son tuteur, Don Lope, vieux bourgeois de Tolède vivant péniblement de ses rentes depuis que sa riche famille l’a renié pour sa liberté de mœurs et de pensée. D’abord protecteur comme pourrait l’être un père, Don Lope se met à développer des sentiments troubles envers la jeune femme puis finit par en faire sa maîtresse. Mais la jeune femme commence à étouffer dans cette relation. C’est alors qu’elle rencontre Horacio, un séduisant peintre d’origine italienne, qui lui propose de partir avec lui…

Vos commentaires et critiques :

Tristana est seulement le troisième film de Luis Buñuel tourné en Espagne après Las Hurdes (Terre sans pain) en 1932 et Viridiana en 1961. Le réalisateur célèbre ici ses retrouvailles avec la ville de Tolède, où il se rendait régulièrement depuis Madrid avec ses amis Salvador Dalí et Federico García Lorca. Les pérégrinations de ses personnages à travers la ville traduisent la nostalgie du cinéaste pour la cité de sa jeunesse. Tristana dénote également la fascination de Buñuel pour les petites choses de la vie qui peuvent changer le cours de l’existence – par exemple, le simple choix de s’engager dans une ruelle plutôt qu’une autre transformera à jamais la vie de la jeune femme car c’est là qu’elle fait la rencontre de son amant. Mais ce film sert avant tout de catalyseur au réalisateur car il fait confronter les décors de sa jeunesse à son angoisse de la vieillesse. Alors âgé de soixante-neuf ans, Buñuel s’identifie au personnage de Don Lope, vieil homme bourré de contradictions qu’il a peur de devenir, ce bourgeois anticlérical qui finit par boire un chocolat chaud avec les curés. À travers ce film, le cinéaste prouve finalement sa passion pour les personnages extrêmes et passionnés plutôt que pour les sages et les pragmatiques comme Horacio, l’amant italien de Tristana. Catherine Deneuve, qui a elle-même sollicité Buñuel pour retravailler avec lui, excelle à montrer la transformation de son personnage, de la jeune fille innocente des débuts à la femme froide et manipulatrice qu’elle finit par devenir. Plus elle s’affranchit de Don Lope – auquel elle reste malgré tout attirée tel un aimant – plus sa beauté se révèle, dévoilant un érotisme troublant malgré son corps mutilé. Considéré comme l’un des films les plus personnels de Buñuel, dernier film de la veine romanesque du réalisateur, Tristana montre de la plus belle des façons le passage du désir à l’amour véritable de la personne à travers sa blessure et son handicap.