Fou d'amour

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1959. Coupable d'un double meurtre, un homme est guillotiné. Au fond du panier qui vient de l'accueillir, la tête du mort raconte : tout allait si bien ! Curé admiré, magnifique amant, son paradis terrestre ne semblait pas avoir de fin.

Vos commentaires et critiques :

Philippe Ramos est un réalisateur rare et précieux. Rare, ce ne sera contesté par personne, quatre films en treize ans. Précieux, ce ne sera pas contesté par celles et ceux qui ont vu tout ou partie de ses films. Quatre films très différents par leurs sujets respectifs, proches par la qualité de leur réalisation, par la beauté de leurs plans, grâce au talent d'un artiste et artisan à la fois scénariste, réalisateur, cadreur, accessoiriste, décorateur, monteur et que sais-je encore.

Le 22 Décembre 1959, un homme est emmené à la guillotine et exécuté sur le champ. C'est sa tête tranchée qui va nous raconter le pourquoi et le comment de cette fin tragique. Mais que les âmes sensibles se rassurent, il n'y a absolument rien de gore ici. Juste un procédé qui va permettre que se mette en place une narration à la première personne dans une langue élégante sans être pédante, rappelant par moments celle des meilleurs auteurs de romans libertins du XVIIIe siècle. Nous priant de convenir avec lui qu'il y a quelque chose de fort désobligeant à se voir brutalement séparé d'une partie de soi-même, ce narrateur peu ordinaire va s'employer à nous convaincre, si ce n'est de son innocence, du moins de sa culpabilité minimale. Puni par l'évêché en raison, nous le devinons vite, de sérieuses négligences dans l'observance de son vœu de chasteté, le héros de cette histoire, un curé trentenaire, arrive dans sa nouvelle paroisse qui, loin d'être le désert souhaité par sa hiérarchie, se révèle très vite à ses yeux une « divine et charnelle cité terrestre ». En effet, au milieu de paysages bucoliques de toute beauté, ce séducteur comprend immédiatement, grâce à la position stratégique que lui confère son rôle de confesseur, que le quotidien de ses paroissiennes est triste à mourir et qu'il n'aura aucun mal à cueillir les fruits délicieux que le Seigneur, dans son infinie bonté, a déposés sur son chemin. La visite du grand vicaire et du curé voisin – scène truculente avec Jacques Bonaffé et Jean-François Stévenin – ne ralentira en rien la marche victorieuse de ce conquérant des cœurs et des corps. Cela commencera par Armance, la châtelaine - Dominique Blanc parfaite - puis viendront Solange, la cousine de la première, Désirée, la laitière aux appâts qui ne sont pas sans lien avec sa profession et enfin Odette, pauvre parmi les pauvres, dont le corps révélera des trésors inestimables.

Mais ces « très riches heures », comme il les qualifie lui-même, n'hésitant pas ainsi à comparer sa vie de grand pécheur à cet ouvrage médiéval, Les Très Riches Heures du duc de Berry, contenant la base de la pratique de la religion chrétienne, pouvaient-elles se prolonger indéfiniment ? L'arrivée de Rose, « petit oiseau aveugle », viendra en tout cas rappeler à cet égaré que le paradis n'est pas de ce monde.

Des images somptueuses – que ce soient des paysages ou des intérieurs – qui nous autorisent à parler de véritables tableaux. Des acteurs parfaitement justes avec, en plus des trois déjà cités, Melvil Poupaud entièrement convaincant dans ce personnage de curé hédoniste et égoïste et Diane Rouxel lumineuse en aveugle à la beauté simple qui aimante tous les regards. Un texte enfin dont les qualités littéraires justifient la conduite du récit par une voix off. Si l'on ajoute un humour constamment présent, voici de nombreuses raisons de ne pas manquer ce film, dont le seul véritable défaut est le titre.